La Fête révolutionnaire : 1789-1799
Gallimard
Une sensibilité contemporaine attend aujourd'hui de la fête, comme de la Révolution, la métamorphose radicale du vieux monde. La fête est-elle en soi révolutionnaire ? L'analyse des fêtes de la Révolution française, si visiblement liées à l'épisode révolutionnaire qu'elles surgissent et s'engloutissent avec lui, devrait permettre de répondre à la question. De l'ensemble foisonnant des fêtes en Révolution, les historiens ont proposé mille typologies : ils ont opposé les fêtes célébrées par les équipes concurrentes, souligné l'antagonisme de la Raison et de l'Etre Suprême, et vu dans Thermidor la coupure de deux ères cérémonielles. A ces interprétations bigarrées, Mona Ozouf substitue l'image d'une fête extrêmement cohérente : elle met en évidence des régularités plus que des singularités ; elle réconcilie Mirabeau, Robespierre, La Révellière-Lépeaux dans une pensée commune des fêtes : c'est LA fête révolutionnaire, dans son rapport particulier au temps et à l'espace, avec sa volonté pédagogique et son ambition utopienne d'un monde en ordre. La fête de la Révolution française est ici l'institutrice de la nation. Ce ne peut être qu'aux dépens de ses capacités subversives. Mais la Révolution ne se pense elle-même qu'en termes d'ordre, non de désordre. De ses fêtes, on peut bien dire alors qu'elles sont révolutionnaires : ce que les hommes ont cherché en effet à accomplir par elles, c'est à régulariser le temps de la Révolution, à nier ses sautes, à instituer une société enfin à l'abri des accidents de l'histoire. Entreprise continûment menée, d'un bout à l'autre de cette tumultueuse décennie. Mais entreprise impossible. Pourtant l'échec partout affirmé des fêtes de la Révolution française n'est pas ici tenu comme une évidence. C'est d'abord parce que la fête révolutionnaire est parfois parvenue à se greffer sur la vie populaire traditionnelle. C'est surtout parce qu'elle incarne les valeurs nouvelles, domestiques, sociales et civiques. A l'aube du monde laïque, libéral et moderne, la fête révolutionnaire est un transfert réussi de sacralité.