16 mai > Roman Royaume-Uni > Velina Minkoff

Comme chacun sait, "quand tu aimes, il faut partir". En cet été de 1989, Alexandra, 13 ans, aime tous azimuts: ses copines, déjà les garçons, sa famille, son pays, la Bulgarie, l’école et l’avenir inflexiblement souriant du socialisme. Comme il faut bien récompenser tant de bonne volonté, la voilà choisie pour un grand voyage. Elle qui n’a jamais quitté sa Sofia natale s’envole d’abord pour Moscou puis vers Pyongyang où se déroule le Festival international des jeunes, avant de se fixer dans un camp de pionniers réunissant la fine fleur de la jeunesse et de l’Internationale socialiste du côté de Wonsan. Les échanges, on s’en doute, ne seront pas que linguistiques et avec une bonne humeur et une vivacité qui ne sauraient se démentir, Alexandra va faire l’expérience inattendue pour elle de l’altérité. Tout lui est neuf et tout lui paraît promis, même la nourriture, même les parcs d’attractions et surtout, ce musicien qu’elle décrète aussitôt "le plus beau Nord-Coréen du monde". Après cette parenthèse enchantée, lorsqu’elle reviendra à Sofia, viendra le temps du désenchantement et de la perestroïka.

Née en 1974, l’Américano-Bulgare Velina Minkoff avait elle aussi l’âge de l’adolescence et de la perte des illusions en 1989. Son premier roman, Le Grand Leader doit venir nous voir, récit de ce périple coréen, résonne d’échos dont le lecteur pressent qu’ils ne doivent rien à la fiction. Bourré d’humour et d’une mélancolie toujours gaie, on ne peut se détacher de cette jeune fille qui fait à la fois l’expérience des aubes de l’âge et des crépuscules d’un modèle de société. Alexandra accepte avec une belle naïveté tout ce qui lui arrive. Elle veut vivre. Vite et gentiment. Elle ne remet rien en question, et pourtant sa jeunesse même est une insolence. Velina Minkoff réussit pour son entrée dans la carrière de romancière à tenir la note juste et à ce que son parti pris d’écriture, très "premier degré", n’apparaisse jamais comme artificiel. Au contraire, rarement un livre nous aura paru aussi subtil, non seulement sur un pays encore largement fantasmé, la Corée du Nord, mais aussi sur ce moment inouï de fracture que fut la fin du communisme à l’Est. On attend la suite, pour la Corée comme pour Velina Minkoff. Olivier Mony

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