6 avril > Roman Israël > Daniella Carmi

Avec ce roman enlevé, truculent, qui mêle aussi bien la comédie de mœurs que le "thriller" décalé, l’Israélienne Daniella Carmi, romancière, dramaturge, auteure pour la jeunesse, dresse un tableau vu de l’intérieur, loufoque voire kafkaïen, de la vie quotidienne dans son pays, finalement assez mal connu ici. A sa façon, sans grands mots, elle milite contre tous les communautarismes, les bigoteries, voire même les religions, facteurs principaux de rejet de l’autre, de conflits inextricables. Dans le civil, elle est d’ailleurs engagée en faveur des droits de la minorité arabe d’Israël, laquelle n’a pas l’existence facile tous les jours.

Ainsi les Yassine, ses héros. Nadia, chrétienne, est assistante sociale débutante dans son village. Selim, son époux, musulman, avocat au chômage, s’est découvert une passion pour la réparation des tracteurs. Ils se sont mariés envers et contre tous les préjugés, surtout ceux de leurs familles, dont ils se sont longtemps cachés. Aujourd’hui, près de la quarantaine, ils vivent heureux, en dépit de leur quotidien compliqué. Leur seul problème : ils ne parviennent pas à avoir d’enfant. Alors, ils en adoptent un. Nathanaël, un jeune Juif, à qui ils donnent tout leur amour, même s’ils ne sont considérés que comme famille d’accueil et qu’on peut leur reprendre le garçon, fils d’une Anglaise goy et d’un Israélien très religieux, qui l’a kidnappé et amené dans son pays. Tandis que le père envoie des rabbins enseigner la Torah à son fils, exiger qu’il porte kippa, tefillin et tsitsit, alors qu’il ne croit pas à tout ça, la mère fait surveiller les Yassine discrètement et leur envoie des avertissements : pas question de faire de Nathanaël un juif orthodoxe. "Quel sac de nœuds", comme dit Nadia, la narratrice, embarquée de surcroît, à cause de son travail qu’elle prend très à cœur, dans un autre imbroglio : celui du couple formé par Marina et Roman, des Russes à problèmes, lui surtout.

Son autre souci, c’est que Nathanaël, autiste léger, semble vivre dans son monde à lui, celui des chansons des Beatles, qu’il connaît par cœur et chante sous la douche, ou dans le figuier où il se réfugie le plus souvent.

Comment tout cela finira-t-il ? Pour le savoir, il faut rejoindre Nathanaël et ses parents, une belle famille attachante, dans leurs champs de fraises, pour toujours. J.-C. P.

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