Au regard du contexte politique actuel, Laure de Chantal, qui dirige aux Belles Lettres la collection "Classiques en poche", a eu une excellente idée éditoriale en proposant ce petit bijou retrouvé.
C'est en 64 avant Jésus-Christ que Quintus Tullius Cicero (en français, Cicéron) adresse à Marcus, son aîné, sa Lettre à mon frère pour réussir en politique. Cette année-là, Marcus, avocat célèbre et écrivain réputé, brigue, au terme d'un cursus honorum classique, la magistrature suprême, le Consulat. A ce moment de l'histoire romaine, les consuls étaient deux, élus pour un an, non renouvelables, et détenaient encore un pouvoir exécutif considérable. Le Sénat demeurant l'organe principal de décision.
En - 64, Marcus a 42 ans, Quintus 39. Non point issus de l'aristocratie sénatoriale de l'Urbs, ce sont des homines novi appartenant à l'ordre équestre, considérés comme des parvenus montés à Rome. Mais Marcus est riche, et il va se trouver au coeur des luttes qui vont opposer les grands fauves politiques d'alors : César contre Pompée, Octave contre Antoine. Cicéron est plutôt pompéien. Mais il retournera sa toge plusieurs fois, ce qui finira par lui coûter la vie : les frères Cicéron seront exécutés en - 43 sur ordre d'Antoine.
Mais en attendant, bien vivants, l'un essaie d'aider l'autre pour sa campagne. Ses conseils : sers-toi de ton éloquence, rappelle à tous tes amis, tes "clients", ce qu'ils te doivent. Ne ménage pas tes adversaires. Gagne-toi de nouveaux soutiens par tes largesses, crée-toi un réseau d'ambitieux, y compris dans le peuple, montre-toi au forum le plus souvent possible. Parle beaucoup, sois munificent, promets tout, ne refuse rien, tu verras bien ce que tu feras quand tu seras élu... Marcus Tullius Cicéron fut élu consul en 64, exerça son mandat en 63 et déjoua plusieurs conjurations.
A Rome, un proverbe disait "la roche Tarpéienne - d'où l'on précipitait jadis les condamnés à mort - est proche du Capitole », siège du pouvoir. Puissent ceux qui nous gouvernent, comme ceux qui y aspirent, lire et méditer Quintus Cicéron. Même si aucun homme politique d'aujourd'hui, ne songerait à suivre pareils conseils...
