Avec Otto, l’homme réécrit, Marc-Antoine Mathieu signe une nouvelle expérience narrative et graphique pour s’interroger sur la prédestination, le conditionnement des êtres, le destin en somme. Il imagine en débutant par la fin (mais ses lecteurs savent que le début et la fin sont chez lui des notions très relatives) la trajectoire d’Otto Spiegel, un artiste performeur reconnu. Celui-ci s’exprime dans de prestigieux musées par des installations interrogeant l’identité de chacun, à commencer par la sienne. Alors que son travail le mène au bord de la dépression, ses parents décèdent soudainement. Ils lui laissent un pavillon de banlieue et une malle mystérieuse renfermant une masse de documents écrits, audio et vidéo, des dessins et des objets retraçant dans le détail, pour une expérimentation à laquelle il a participé sans le savoir, ses sept premières années d’existence.

Otto s’immerge dans la vie de cet autre lui-même dont il n’a aucun souvenir. Des faits prennent sens. Il établit des correspondances entre ses passions enfantines et ses obsessions artistiques, qui le placent face à des questions existentielles. "Plus il se savait détenu par son passé, plus il se sentait libre au présent", écrit Marc-Antoine Mathieu. Maître de l’espace et du temps, qu’il articule en deux cases carrées seulement par page, où se reflètent les vertiges d’Otto, il signe un nouvel album essentiel. Fabrice Piault