Un citoyen dominant-pénétrant et des partenaires soumises-pénétrées. Voilà comment se résume la sexualité dans la Rome antique. Pour les femmes, la seule alternative logiquement envisagée dans cet érotisme phallocentrique se traduit dans une formule : mère ou putain. C’est ce que nous explique Virginie Girod dans cette étude tirée de sa thèse de doctorat. Elle montre tout de même qu’il était plus facile pour une matrone de devenir catin que l’inverse. Le principe de l’échelle sociale, c’est qu’elle sert plus souvent à descendre qu’à monter…

En utilisant de nombreuses sources antiques, littéraires ou juridiques, mais aussi des travaux modernes d’anthropologie, cette jeune historienne dresse le catalogue très précis des us et coutumes sexuelles féminines à l’époque où le divin se montre volontiers à poil. Car plus on est dieu, plus on est nu.

Pour les simples mortels, des précautions d’usage s’imposent. Pratique privée, la sexualité se révèle tout de même dans l’espace public. Surtout quand elle est codifiée. Et les Romains aimaient beaucoup les lois. Ainsi, Virginie Girod nous explique qu’en vertu du « ius trium liberorum » d’Auguste une femme pouvait s’émanciper de son mari à partir de trois enfants. Pour les esclaves, il en fallait cinq… La femme, destinée à enfanter, est considérée comme mère à partir de 12 ans. En cas d’impuissance masculine, elle est souvent rendue responsable, parce qu’elle n’a pas su employer les moyens adéquats. En ce cas, la procédure de divorce est simple : devant sept témoins, le mari n’a qu’à prononcer « tuas res tibi agito », c’est-à-dire « reprends tes affaires », et celle qui devient illico une ex-épouse retourne chez son père.

Dans cette société mâle, les femmes trouvent quelques dispositifs pour jouir sans entrave. Pour éviter les affaires d’adultère, les matrones prennent comme amants des eunuques qui ont l’avantage de leur procurer du plaisir sans risque de procréation. Et Virginie Girod nous en dit bien plus sur les pratiques admises ou non dans le lit conjugal.

Pour le reste, il y a la prostitution, jugée infâme, mais dont le rôle demeure très important à Rome. Dans ce domaine, on ne manque pas d’imagination et nous laissons au lecteur le soin de découvrir ces spécialités antiques récréatives et décomplexées qui n’ont pas fondamentalement varié jusqu’à Dodo la Saumure. Côté perversion, on trouve l’équivalent de la poupée gonflable dans l’agalmatophilie ou le désir irrépressible éprouvé pour une statue. A méditer lors d’une visite au Louvre… A un moment où les études sur le genre provoquent toujours quelques débats, voici un ouvrage d’histoire sociale très original dont la clarté du propos ne peut qu’ouvrir de nouvelles perspectives sur les notions de sexualité féminine, de corps et d’émancipation. Laurent Lemire