9 NOVEMBRE - ESSAI France

Bernard Chambaz- Photo CATHERINE HÉLIE/GALLIMARD

Quelle vie ! Quelle cavalcade ! De Lucques à Bruxelles, de 1858 à 1924, d'Edgar à Turandot, toujours entre deux femmes, deux parties de chasse, deux voyages, Giacomo Puccini en faisait trop, mais sans se soucier du qu'en-dira-t-on, et chaque fois avec la grâce insolente des enfants qui se savent surdoués. Giacomo Puccini aura tout connu, tout vécu, tout éprouvé. De l'unité italienne à la montée du fascisme, d'une guerre mondiale aux idées de Gramsci, de Caruso à Toscanini, du mépris des critiques à la plus grande gloire. Il aura connu trois papes et Buffalo Bill en tournée en Europe, Edison et Marconi, le plaisir des balades à bicyclette et celui, plus grand encore, des voyages en automobile (il fut sans doute, en 1903, le premier "people" victime d'un accident de la route, qui le laissa boiteux). Il dut affronter le scandale de la mort d'une domestique, poussée au suicide par sa femme jalouse. Il n'eut de plus grand plaisir que d'acheter des maisons avec des peupliers autour. Il travailla beaucoup, s'amusa énormément et ne se départit jamais d'une mélancolie, née de la perte de son jeune frère Michele, victime au Brésil de la fièvre jaune.

C'est cette mélancolie douce et prégnante, qui est le "climat" de toute son oeuvre, qui justifie sans doute que Bernard Chambaz nous offre ainsi, avec ce merveilleux Caro Carissimo, sa "vie de Puccini". Il s'en explique, en quelques lignes qui serrent le coeur, à la fin de son livre. Pour le reste, tout n'est qu'allégresse paradoxale. Si son précédent opus, Plonger (Gallimard, 2011), paru dans la même collection "L'un et l'autre", était une fascinante oeuvre au noir, celui-ci, gorgé pourtant d'un même chagrin, doit plus, dans son élégance toute stendhalienne, à ce qu'entreprit en son temps Jean Echenoz avec Ravel (Minuit, 2006). Mais si Echenoz, pour sa trilogie biographique, s'appuyait sur le Marcel Schwob des Vies imaginaires, tout l'art de Chambaz est plutôt de contenir la vie majuscule à laquelle il s'attache dans les limites de son projet littéraire. Il y parvient magistralement, entre humour et émotion mêlés. Au fond, ce Caro Carissimo est peut-être un "autoportrait de l'artiste en Giacomo Puccini"

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