Dans la nuit du 19 au 20 mars 1817, l’ancien procureur impérial Antoine Bernardin Fualdès est assailli, transporté dans une demeure voisine, égorgé puis jeté dans l’Aveyron. A Rodez, c’est la stupéfaction. Les soupçons se portent sur les proches du magistrat et les habitants de la maison Bancal où se serait déroulé l’homicide. La violence du crime, l’absence crédible de mobile et l’énigme qui enfle autour de la personnalité de Fualdès déchaînent les passions et les rumeurs.
Des coupables sont vite arrêtés. Un peu trop vite sans doute. Un premier procès s’achève sur quatre condamnations à mort, deux à perpétuité, une à un an de prison et un acquittement. Il ne calme pas les esprits. Un vice de forme est reconnu et l’affaire est rejugée en 1818 à Albi. Un surprenant témoin raconte alors avoir tout vu sans avoir été pour autant présent lors du meurtre. Trois condamnations à mort sont confirmées et trois têtes roulent dans la sciure.
Mais quel est le mobile ? Les hypothèses les plus farfelues affluent dans une nouvelle presse nationale avide de sensationnel. Des reporters sont dépêchés à Rodez et la France de la Restauration se passionne pour ce fiasco policier et judiciaire dont l’ampleur fut aussi grande que celle des affaires Dominici ou Grégory, et cela jusqu’en Amérique. On publie des portraits, on interroge des proches, on colporte des bruits. La capitale de l’Aveyron eut du mal à se relever d’une image de ville sordide où l’on prétendait qu’un orgue de Barbarie avait couvert les cris du procureur qu’on égorgeait et qu’un cochon avait bu son sang.
Complément de l’exposition qui se tient au musée Fenaille, à Rodez, du 18 mai au 31 décembre, cet ouvrage illustré propose de nombreux documents, dont une maquette de la maison Bancal qui en dit long sur la fascination exercée par ce meurtre sur les contemporains. Les historiens évoquent également la postérité de l’affaire dans la culture populaire chez Balzac, Hugo, Flaubert ou Gaston Leroux. Géricault avait même envisagé d’en tirer un tableau pour le Salon. Il réalisa plusieurs dessins préparatoires dont un lavis où l’on voit les assassins porter le corps de Fualdès. Une chanson, La complainte de Fualdès, connut un succès foudroyant avec ses couplets grand-guignolesques. Si l’affaire est aujourd’hui oubliée, son mécanisme à transformer un fait divers en légende fonctionne toujours. L. L.