Zénobie, reine de Palmyre ? Pas vraiment ! C’est ce que nous expliquent Annie et Maurice Sartre. On peut les croire. Ces deux professeurs renommés, spécialistes d’histoire ancienne et de la Syrie antique, nous donnent tous les éléments d’une enquête plutôt que d’une biographie. "Que serait la biographie d’une femme dont on ignore la naissance, la filiation, la jeunesse et la mort ?" Pour les auteurs, les seules pièces avérées du puzzle Zénobie sont au nombre de trois : son père Antiochos, son époux Odainath et son fils Wahballath.
En confrontant les mentions - le plus souvent peu fiables - de l’Histoire auguste et de l’épigraphie, nos deux détectives du passé éclairent ce personnage qui fut présenté à tort comme l’héritière de Cléopâtre, sa semblable dans le mythe fondateur de renommée.
Zénobie n’a pas vécu dans un royaume perdu au fond du désert syrien, mais dans une puissante cité qui était une colonie romaine. Après l’assassinat d’Odainath, elle devint reine de la riche Palmyre. Elle se constitua une cour avec des artistes et des philosophes, repoussa les incursions des Perses et conquit l’Egypte où la légende en fit une héritière des Ptolémée. Sa volonté d’émancipation vis-à-vis de Rome provoqua la colère de l’empereur Aurélien qui s’empara de Palmyre en 272 et imposa la présence de la reine déchue dans son défilé triomphal.
Anne et Maurice Sartre font aussi le tri dans les diverses représentations de Zénobie : la femme vertueuse à la beauté virile, l’héroïne qui apparaît dans l’opéra de Rossini Aureliano in Palmira ou l’Orientale romantique qui combat le colonialisme, figure récupérée par le nationalisme syrien du parti Baath.
Zénobie ne fut pas la "reine de Palmyre" qui libéra son peuple de la domination romaine. Elle fut beaucoup mieux que cela dans cette histoire fascinante du Proche-Orient et de l’Empire romain au IIIe siècle. Annie et Maurice Sartre lèvent un peu le voile sur le mystère de l’impératrice orientale. Ils nous donnent au passage une belle leçon de méthode historique en montrant ce qu’il est possible de dégager de la masse des œuvres d’imagination. Laurent Lemire