L'identité demeure une entité énigmatique, éternellement évolutive. Livre après livre, Anne Plantagenet s'en empare, à travers des personnages réels ou fictifs, ou à travers sa propre histoire. Sa plume, en forme de point d'interrogation, se fait exploratrice lorsqu'il s'agit de revisiter ses origines. Dans Trois jours à Oran (Stock, 2014), elle entraînait son lecteur sur le chemin de son père. Un voyage en Algérie qui lui a ouvert des portes insoupçonnées. Loin d'être linéaire, l'écriture prend des tournants surprenants. Ici, le point de départ est son grand-père maternel. Un ouvrier taciturne. Analphabète, il n'avait peut-être pas les mots pour transmettre sa mémoire de prisonnier de guerre. « Oublie-t-on un jour son pays et sa langue natals ? Au prix de quelle violence sur soi ? »

La petite fille, autrefois impressionnée par cet Italien « bourru, secret », originaire du Frioul, s'aventure dans cette existence dans les marges qui est celle des migrants. Pour mieux saisir la personnalité de son grand-père, l'auteure interroge sa mère. Elle qui devait juste l'éclairer devient soudainement l'autre sujet principal de ce livre sur la transmission, consciente et inconsciente. Sa mère « s'est sentie fille d'immigré, d'étranger. Différente. » Comment grandit-on avec ce sentiment ? Que lègue-t-on à ses enfants ? « Son manque de confiance, ses doutes, son apparente soumission, cette fragilité a agi comme un contre-modèle dans ma construction », avoue Anne Plantagenet. Elle-même est déstabilisée par une rupture amoureuse, mais en reconstruisant son histoire elle pourra larguer les amarres et entrevoir un nouvel horizon.