NOS COLLABORATEURS ÉCRIVENT 6 SEPTEMBRE - ROMAN France

Elle prend le large, l'amie Fabienne. S'aventure en terres étrangères. S'éloigne des territoires mosellans de l'enfance où vivaient les héroïnes de ses deux romans précédents Des louves (Buchet-Chastel, 2006) et Corps (Buchet-Chastel, 2010, Folio, 2012). Elle assèche l'humidité douce de sa chère Lorraine à l'aridité du djebel constantinois. Et, sous la couverture de la "Blanche", ce ne sont plus des femmes mais un homme qu'elle déshabille de son regard, qui sait lire sur et dans les corps.

Tahar l'Algérien se meurt dans un hôpital français, loin du pays quitté en 1962 à 15 ans, "sur les bons conseils du colon Vialet". Après, ce fut une vie d'Arabe en France, d'assimilé, loin de l'Algérie : labeur et humiliation. Avant, personne ne sait. Autour de son lit, veillant son coma, sa femme, son beau-père le chrétien et son fils Pierre, qui ne parle pas. Dans le couloir, le Lorrain Becker qui a eu 20 ans dans le Constantinois, le seul qui ait connu le Tahar d'avant le bateau pour Marseille. Car du pays abandonné, les trois autres n'ont jamais rien su.

Fabienne Jacob fait parler ce silence des origines. L'averse est une sépulture de poésie sensuelle pour un traître. Pas un traître flamboyant, non. Juste un jeune garçon de la campagne algérienne, le fils aîné d'Ali le harki, "le meilleur élève des neufs musulmans de la classe mixte", un enfant qui a choisi le camp des Français. Se condamnant à la solitude d'une double peine. "La marque des véritables traîtres est la double honte : devant ceux qu'ils ont trahis, et devant ceux pour qui ils ont trahi."

De la Lorraine à l'Est algérien, le corps que la romancière continue de mettre à nu en l'enveloppant de mots caressants et crus, reste notre seul contact vrai avec le monde, du début à la fin. L'abri où font nid l'orgueil, le manque, la peur, la honte, le désir, même la guerre quand le corps est alors "en état de siège permanent"... Et que l'on soit une grand-mère dans un pays écrasé de soleil ou une future veuve dans une province de pluie, on peut espérer atteindre l'âme des êtres aimés en respirant leur odeur, dans le cou.

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