Une ouverture en fanfare (suivie d’un concert indie-folk) pour la librairie et les Editions Divergences - Photo Fanny Guyomard
Une ouverture en fanfare pour la librairie et les Editions Divergences
Ce 13 avril, les éditions Divergences ont fêté leur déménagement de Paris à Quimperlé (Finistère), où elles s’associent à une librairie, un café et nombre d’associations de la ville. Un tiers-lieu prometteur et très attendu par les habitants rencontrés.
Par
Fanny Guyomard Quimperlé ,Finistère Créé le
15.04.2024
à 17h43, Mis à jour le 29.04.2024 à 09h35
Un samedi ensoleillé dans une modeste ville du Finistère. Les rues de granit, rythmées par deux rapides rivières, des passerelles et des troquets, sont charmantes et vides. La vie semble concentrée sur la place en hauteur de la ville, sous le clocher qui ne donne pas l’heure. Un échassier à mèche rose déambule entre les palets bretons, les crêpes, les huîtres et la buvette sans eau. Un saxophoniste en tongues salue des convives à la peau rougie par le soleil, sous l'œil bavard d’un trio de septuagénaires postées à l’ombre. « Je n’ai jamais vu autant de monde à Quimperlé », se réjouit un artiste local qui vient rencontrer les organisateurs, pour d’éventuelles collaborations.
Audrey Pineau, gérante de la librairie Divergentes à Quimperlé, et Johan Badour, fondateur des éditions du même nom.- Photo FANNY GUYOMARD
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La raison insolite de cette fête du village (12 000 habitants tout de même), c’est l’inauguration d’un lieu concentrant café, dépôt de pain, relais de La Poste et surtout librairie généraliste, surmontés d’une maison d’édition créée en 2016 à Paris qui donne son nom à l’ensemble : Divergences. Sous-titrée « critique sociale et politique ».
Terrain fertile
Il a fallu deux ans au fondateur Johan Badour et son équipe pour trouver la ville adéquate. Le choix s’est resserré sur la Bretagne et ses communautés d’écolos révoltés, comprend-on en écoutant le libertaire, qui a notamment milité contre l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes.
A Quimperlé, le trentenaire diplômé de sociologie et de philosophie politique retrouve une effervescence similaire, un maire socialiste, des boîtes aux lettres « stop pub et ça vaut aussi pour les papiers de Reconquête ». « C’est une ville en plein dynamisme, des gens s’y installent avec des projets qui nous parlent », loue l’éditeur. Tandis que sur le parvis, un atelier d’écriture féministe est donné par L’Artère, boutique rassemblant depuis 2022 atelier d’artiste, friperie et studio de tatouage. Se définissant comme un « lieu créatif à ramifications divergentes ». Tout converge.
Ce n’est qu’un combat, il faut continuer le début (Coluche)
Et ce n’est qu’un début. Un conservatoire de musique et de danse ainsi qu’une salle de concert complétée par un bar sont en construction dans le quartier. Sur la place Saint-Michel, caractérisée jusqu’à présent par son parking, ses banques et des agences immobilières, va s’installer une ludothèque municipale, à quelques pas de la bibliothèque. « On va essayer de travailler avec elle pour des débats-rencontres », ajoute Johan Badour, qui imagine encore monter des résidences d’auteurs et un salon du livre et de la presse indépendante. Dans son bureau sentant la peinture fraîche, il s’est mis à la polyphonie du piano.
La limite du projet : s’isoler de Paris ? L’attachée de presse y reste, et le fondateur s’y rendra quelques jours par mois, en 3h30 de train (dix par jour). Il cite les éditions Goater à Rennes ou Les Passagers clandestins à Lorient qui réussissent en “province”. Et le luxe d’être adossé à une librairie. « J’ai hâte de voir comment les gens vont toucher nos livres dans la librairie. »
Lieu de partage d’idées
La boutique de 55 m2 et de 5 000 titres est si animée en ce jour d’ouverture que des livres en équilibre glissent des tables. Sciences humaines (ce que propose moins la librairie des mots voyageurs en basse ville), BD (les féministes Pénélope Bagieu, Liv Strömquist…), jeux (notamment sur des femmes révolutionnaires)… On trouve au centre des livres sur la Bretagne, de quoi combler le vide laissé, à quelques mètres, par la fermeture en 2022 de la librairie historique de Penn da Benn, qui proposait nombre de rencontres artistiques. « Des habitants m’ont demandé d’organiser des nocturnes de poésie et des cafés philo », apprend la gérante de 37 ans Audrey Pineau, propriétaire à 51% des lieux et anciennement à Nantes. Elle sera bientôt épaulée par une seconde vendeuse, pour répondre à l’enthousiasme des visiteurs.
Dans l’une des allées, un trentenaire au long chignon apprend notre prénom. Ses yeux brillent : « Tu es Fanny Lopez ?? » Espérant parler à l’historienne de l’architecture publiée chez Divergences. D’autres fans sont de la partie, comme Myriam, 24 ans, qui a grandi à Quimperlé et travaille dans la communication à Paris. « Ça fait des mois que j’attends cette ouverture qui va faire vivre Quimperlé et rencontrer des gens se retrouvant autour de la ligne éditoriale de Divergences », s’emballe celle qui porte un T-shirt à leur effigie. Et est ravie de préciser : « Mon auteur préféré est Alexandre Monnin ! », du nom de cet enseignant-chercheur qui a publié Politiser le renoncement, et auteur d’une thèse sur la philosophie du Web.
Gilles Lecerf, doctorant en philosophie sur l’intelligence artificielle (comme aboutissement ethno-capitaliste de l’exploitation de l’homme), a lui aussi fait le déplacement depuis Paris avec un ami architecte, qui a allumé une cigarette, ôté ses chaussures et enfilé un bonnet rasta. « On est contents de voir des lieux de vie comme celui-ci, qui peuvent inspirer et essaimer, en rompant avec l’inertie de Saint-Germain-des-Prés. Les idées qui m’enthousiasment aujourd’hui ont tendance à quitter Paris pour créer des lieux divergents », estime le philosophe. S'écarter afin de rapprocher.
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Le Congrès annuel de l’Association des maires de France, qui s’est tenu à Paris du 19 au 21 novembre, a mis le doigt sur les difficultés économiques des communes. L’occasion de formuler des pistes de financement auxquels les médiathèques et librairies sont éligibles.
Alors que l’intelligence artificielle s’immisce de plus en plus dans la chaîne du livre, des éditeurs ont décidé d’accepter que l’intelligence artificielle puise dans le contenu de certaines œuvres, en échange d’une rétribution financière. Une démarche qui ne convainc pas tout le monde.
Par
Élodie Carreira
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