Avec La fractale des raviolis, son premier roman (Alma, 2014), Pierre Raufast faisait une entrée remarquée en littérature. Le voici qui enchaîne avec La variante chilienne, conjurant ainsi la supposée "malédiction" du deuxième roman. C’est une histoire à trois personnages, qui n’auraient pas dû se rencontrer, mais entre lesquels vont se tisser des liens. Pascal, 57 ans, prof de littérature fan de Giono, "kidnappe" un été Margaux, 17 ans, son élève, fille d’un collègue et ami, une lectrice passionnée qui vient d’avoir son bac, mais "désespère depuis [ses] 6 ans", parce qu’elle se croit responsable de la mort accidentelle de sa mère. Avec son père, la communication est difficile. Quelques semaines de détente et de réflexion à St-Just-sur-Harmac ne pourront que lui faire du bien. Dans ce village, ils tombent sur leur voisin, Florin. Collectionneur de pipes, grand amateur de vin rouge, avec qui Pascal va prendre des cuites mémorables et Margaux découvrir le champagne, il va petit à petit raconter son histoire à ses nouveaux amis.
Suite à un séjour dans le coma, Florin est incapable d’éprouver des émotions, et il perd donc instantanément tout souvenir. Alors, pour tenter de reconstituer sa mémoire, il place et conserve dans des bocaux un caillou pour chaque chose qui lui est arrivée et qu’il retrouve en touchant la pierre. Il possède 39 bocaux, un par an depuis le début de son infirmité, soit environ 4 000 souvenirs. Moderne Shéhérazade, il va faire profiter Pascal et Margaux de quelques-uns d’entre eux, qui mettent en scène quelques personnages hauts en couleur : un "avocat" priapique, un "colonel" traumatisé, un postier érudit (et assassin), qui sont ses partenaires au capateros, un pseudo jeu de cartes chilien qu’il a rapporté et introduit au village. Il est aussi question de Borges, hôte, en 1985 à Marseille, du bordel d’une certaine Carmen.
Impossible d’en dire plus. C’est Margaux qui s’en charge et qui livrera son secret dans le récit qu’elle écrit de toute cette aventure, lequel s’intitule forcément La variante chilienne.
J.-C. P.
