21 janvier > BD Japon

Si l’on excepte Les années douces (Casterman), où il s’est intéressé à la relation platonique d’une jeune célibataire endurcie avec son ancien professeur de japonais, Jirô Taniguchi n’a jamais pris une femme pour héroïne. Le grand auteur japonais, qui se verra consacrer une importante exposition fin janvier au Festival de la BD d’Angoulême, le fait cette fois en s’inspirant librement du parcours de Tomoji Uchida, la créatrice d’un temple bouddhiste de la région de Tokyo que son épouse fréquente assidûment. Contemplatif comme il se doit, dans l’esprit de L’homme qui marche, Quartier lointain, Le journal de mon père ou encore Le gourmet solitaire (tous chez Casterman), Elle s’appelait Tomoji, publié cette fois chez Rue de Sèvres, est un beau récit d’initiation, qui saisit par petites touches dans le Japon du début du XXe siècle l’éclosion d’une jeune femme, suivie de sa naissance en 1912 à son mariage, dix-neuf ans plus tard, avec un lointain et séduisant cousin.

Entre ces deux dates, Tomoji, qui grandit dans un petit village du centre montagneux du Japon, au nord du fameux mont Fuji, dans une famille de commerçants, se trouve très tôt confrontée à de dures épreuves. Son père meurt alors qu’elle n’a que 4 ans. Sa mère quitte trois ans plus tard le domicile familial pour aller travailler dans une ville éloignée. Et, alors qu’elle est élevée par sa grand-mère avec son frère aîné et sa petite sœur, cette dernière décède prématurément. A 10 ans, Tomoji affiche déjà un lourd passif. Mais la fillette stoïque n’en est pas moins à l’école une excellente élève, tout en ne ménageant pas ses efforts pour aider sa grand-mère à la maison comme au magasin.

Quand d’autres auraient tiré de ce parcours chargé une comédie dramatique aux accents misérabilistes, Jirô Taniguchi, fidèle à sa méthode habituelle, le sublime par la variété de ses cadrages et la modularité de son dessin qui installent, en noir et blanc comme en couleur, une atmosphère de douceur et de sérénité. Les accidents de la vie n’en sont pas moins douloureux. Mais ils viennent s’intégrer dans un mouvement historique, se mêler aux mille autres événements petits et grands qui façonnent le destin des sociétés humaines. Fabrice Piault

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