C'est une femme en hiver que tout quitte peu à peu. L'homme qu'elle aime d'abord et puis son corps. Elle vit à Montréal, elle est jeune encore, mère de deux enfants nés d'un premier lit, lorsque se déclenchent ces deux désastres. La rupture donc et la révélation, suite à de nombreuses hémorragies, de la maladie dont elle est atteinte. Un fibrome particulièrement mal placé qui lui fera frôler la mort et l'obligera à subir une hystérectomie. Durant ce temps, de la souffrance, de l'hôpital, elle parvient à convaincre son homme en aller de revenir. Il s'acquittera de ce retour plus par devoir qu'autre chose. L'amour dissipé ne se reforme jamais. Il est question de se remettre de la maladie, de se remettre ensemble ; mais tout est illusoire. Pour l'accepter, il faudra des vacances qui n'en sont pas vraiment du côté de Cape Cod, des balades au bord de la mer. Il faudra lire des pages de Virginia Woolf, comprendre que le regard de l'autre a changé à jamais, ne plus oser même le regarder. Fuir, ne pas, ne rien pardonner. Et puis prendre un bain comme amniotique à nouveau et allumer avec ses enfants un feu dans la cheminée... Tout brûler.
C'est là toute l'histoire du Sang des pierres, roman court et fascinant de justesse et d'intensité de la franco-canadienne Lucille Ryckenbusch. C'est une lettre adressée au fuyard, sans apprêt, sans après. Des lignes de feu glacé.
Pour son premier livre, l'auteure, la trentaine, affirme un féminisme qui est déjà en soi une littérature ; qui est même d'abord cela. Le lecteur n'en sort pas plus indemne que la romancière. Et c'est heureux, cela veut dire que cette dernière a l'infinie politesse de lui laisser toute sa place.
Le sang des pierres
Le QUARTANIER
Tirage: NC
Prix: 14 euros ; 136 p.
ISBN: 9782896984565