17 février > roman Israël

Amos Oz, David Grossman et Avraham B. Yehoshua forment la sainte trinité des lettres israéliennes. A leur œuvre, réputée mondialement, s’ajoute leur engagement politique, qui trouve souvent son prolongement dans des tribunes ou des essais. Yehoshua a obtenu le Médicis étranger pour Rétrospective (Grasset, 2012). Il a signé des romans comme La mariée libérée (Calmann-Lévy, 2003) ou Le responsable des ressources humaines (Calmann-Lévy, 2005).

Né à Jérusalem en 1936, il en fait le décor de son nouveau livre, La figurante. Une ville inspirante, plus que jamais en proie au conflit entre religieux et laïcs. De vives tensions traversent également son héroïne Noga. Cette musicienne israélienne vit aux Pays-Bas, où elle est reconnue pour son art. A ses yeux, "la harpe est vivante. Tout à son amour et à sa dévotion pour son instrument", elle "parvient à apaiser ses douleurs". "Quand je joue, je ne parle pas, je n’enrage pas." Ses sentiments sont mitigés lorsqu’elle doit se faire remplacer, au pied levé, pour assurer une obligation. Un retour en Israël orchestré par son frère autoritaire, honni. Cet "éternel angoissé" met la pression sur l’ensemble de la famille. Ainsi, il oblige leur mère à tester une maison de retraite, mais elle ne semble guère convaincue. "Ici, les verrous sont interdits, qu’ils soient réels ou immatériels."

Noga est chargée de veiller sur son appartement à Jérusalem. Elle aussi se sent verrouillée dans une existence incertaine. Faute de pouvoir exercer son métier, elle accepte de faire de la figuration dans un opéra ou un documentaire. Une expérience étonnante qui la confronte à des composantes inconnues d’elle-même. Des fantômes l’encombrent soudainement, que ce soit celui de son père ou de son ex-mari, Ourya. Un homme qui l’a quittée parce qu’elle ne voulait pas enfanter. "Il y a en toi une infirmité", mais "l’amour ne s’est pas totalement éteint en moi", avoue ce dernier. Noga soutient toutefois que face à la "nature dévorante" de cette émotion, "nous avons disséqué notre couple à n’en plus finir". Quel sera alors leur devenir ?

Dans ce pays dont le mariage, la famille et les enfants constituent des fondements, il est difficile d’aller à contre-courant. Comment dire que le sentiment amoureux est aussi composé d’attentes, d’incompatibilités ou de sacrifices impossibles ? A. B. Yehoshua s’immisce parfaitement dans les chamboulements d’une femme en plein tournant. Et comment ne pas devenir le figurant de sa propre vie ? En unissant passé et présent. Un défi qui se pose aussi à Israël, qui se dessine en filigrane, dans cette histoire, à travers l’opposition entre la guerre et la paix, qu’elles soient intérieures ou extérieures. K. E.

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