Tribune

Antoine Torrens, directeur des bibliothèques de Compiègne, revient du Deutscher Bibliothekartag (congrès des bibliothécaires allemands), où il représentait le groupe Nouveaux professionnels de l’Ifla (NPSIG). Il s’y faisait également le relais du CFIBD et de la commission International de l’ABF.

"Les bibliothécaires allemands ont-ils une fascination particulière pour les machines? Plusieurs aspects du Deutscher Bibliothekartag, qui se déroulait du 12 au 15 juin, pourraient le laisser penser.

L’université technique de Wildau et la bibliothèque municipale de Cologne utilisent depuis 2016 plusieurs robots humanoïdes de modèles Pepper et NAO, qui ont pour fonction de faire visiter la bibliothèque, d’aider les usagers à localiser les documents et d’accompagner l’apprentissage de la lecture chez les jeunes enfants.

Le robot Dash, présenté par le groupe des Nouveaux professionnels allemands, peut être programmé avec Scratch, le logiciel d’initiation au code régulièrement employé pour des animations dans les bibliothèques françaises, ainsi que par le programme Voyageurs du code de Bibliothèques sans frontières. Un autre robot, Cozmo, connu pour son intelligence artificielle et sa capacité d’auto-apprentissage, a aussi la particularité d’être profondément mignon. Cet aspect est intentionnel: pour sa conception, il a été fait appel à un employé de Pixar qui avait travaillé sur le dessin animé Wall-E.

Derrière ces initiatives, on trouve une volonté politique d’encourager la culture scientifique et technologique. Dans son discours aux invités étrangers du congrès, l’adjoint au maire de Berlin chargé de la culture, Klaus Lederer, a souligné le rôle que les bibliothèques de sa ville devront jouer dans l’accompagnement du mouvement DIY (Do it yourself). Cet intérêt pour le monde industriel n’est peut-être pas sans lien avec la structure de l’économie outre-Rhin: le secteur secondaire y représente 25% des emplois, contre seulement 18% en France.

L’idée de la "bibliothèque des objets", également évoquée par plusieurs intervenants, amène à repenser le domaine d’action traditionnel des bibliothèques et, in fine, celui de la culture. La robotique est-elle vraiment moins culturelle que la littérature? La connaissance des procédés de fabrication n’est-elle pas aussi intellectuelle que celle des procédés d’écriture? Pour l’instant, tout cela augure de beaux projets à mener au carrefour de la technologie et de l’imaginaire.

22.06 2018

Auteur de la tribune

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