7 JUIN - RÉCIT ILLUSTRÉ France

C'est en 1929, au cours d'une partie de chasse avec son grand-père, que le jeune Henri Vincenot, 17 ans à l'époque, découvre un hameau en ruine au creux d'une petite combe bourguignonne, sur les contreforts du plateau de Langres. Un lieu extrême, comme en marge du monde. Séduit, il décide que c'est là qu'il reviendra un jour s'installer, passer sa vie, tel un Robinson moderne. Cette révélation, Vincenot, devenu écrivain, la racontera à la fin de La Billebaude (paru chez Denoël en 1978), son livre le plus célèbre, qui fut en son temps un énorme best-seller.

Douze ans plus tard, durant la guerre et l'Occupation, Vincenot tient la parole qu'il s'était donnée. Quoique diplômé d'HEC, il n'a pas trouvé sa place au sein d'une société qui le "dégoûte », et profite des circonstances pour la fuir. Mais en famille : avec sa femme Andrée, et leurs trois premiers enfants. Une femme d'exception, "la seule femme" aux yeux de son mari, qui a accepté de le suivre dans ses rêves, l'encourage et le soutient, même fantasque, et mène une vie plus qu'à la dure, sportive, extrême. Quand il fait moins quatre degrés dans la maison, au matin, c'est presque la chaleur. Il faut casser la glace pour puiser de l'eau, organiser des corvées harassantes pour aller couper du bois en forêt afin de se chauffer un minimum - son bois, puisque notre homme s'est acheté le terrain et la ruine médiévale qu'il avait repérés la première fois. Qu'importe : "J'ai confiance en ma vie. Je puise ma force en moi", note Vincenot.

Car, durant ces cinq mois de solitude familiale, d'érémitisme bourguignon, Henri Vincenot, dont le coeur et l'âme débordent de joie, de reconnaissance, prend la plume pour raconter son bonheur. Ce sera Prélude à l'aventure, resté, à sa mort en 1985, inachevé, inédit, oublié. On le découvre aujourd'hui grâce à sa fille Claudine et à son éditrice, Anne Carrière, qui s'est lancée dans un vaste chantier de réédition de toute l'oeuvre de Vincenot, ainsi que dans la publication de divers inédits. Prélude à l'aventure est un texte lyrique, mystique, où se mêlent la foi chrétienne de l'auteur, qui, dès qu'il a un moment, sculpte des saints de bois pour décorer sa maison, et un panthéisme venu du fond des âges. Un hymne à la nature sauvage, à la vie pionnière, à la jouissance d'être vivant. A 29 ans, on se sent plein de forces, rien ne vous résiste. Parfois, quand la plume ne suffit plus à décrire l'environ magique, Vincenot recourt au crayon, agrémentant son récit de dessins d'arbres, de rivières, des croquis préparatoires pour ses statues, ou des plans de sa future demeure, qu'il voit comme le château de la Belle endormie, tirée de son sommeil par un Prince charmant qui lui ressemble comme un frère.

A de nombreuses reprises, il célèbre l'amour conjugal, les joies de la famille, et revendique, pour ses enfants, cette éducation spartiate, studieuse et pieuse, destinée à les endurcir, à les rendre plus forts pour affronter, le moment venu, leur propre vie et le reste du monde. Porté par une écriture magnifique, habitée, Prélude à l'aventure, quoique un peu daté, peut être considéré comme l'un des premiers manifestes écologistes, alternatifs, presque new age.

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