Assailli par les mails d’indignation, Amazon a retiré de sa librairie Kindle un ouvrage numérique édité en anglais à compte d’auteur, intitulé – dans une traduction littérale - Le Guide du pédophile de l’amour et du plaisir. Dès la nouvelle connue, j’ai voulu savoir de quoi il en ressortait. Las, impossible de juger du contenu de l’ouvrage en question (s’agissait-il réellement d’un manuel à l’usage des pédophiles, ou d’un titre ironico-provocateur ?). Avait même été supprimé du site un ersatz de résumé plutôt laconique et guère plus explicatif que le titre. L’argumentaire indiquait : «  Ceci est ma tentative de rendre les situations pédophiles moins dangereuses pour les jeunes qui s'y retrouvent confrontés en établissant certaines règles à suivre pour ces adultes. J'espère y arriver en faisant appel à ce qu'il y a de meilleur dans chaque pédophile, en espérant qu'en suivant ces conseils, on arrivera à moins de haine et à des peines moins lourdes s'ils se font attraper un jour  ». Pour mémoire, le premier amendement de la constitution américaine — qui permet toujours, au nom d’une liberté d’expression absolue, aux néo-nazis de s’exprimer — est depuis quelques années restreint dans son application, que ce soit à propos du terrorisme ou des cas de Child abuse. Au-delà du débat juridique, le comportement d’Amazon est surtout celui d’une entreprise qui ne filtre pas le contenu de ce qu’elle propose à la vente. Elle prévoit en théorie de ne pas proposer de l’  «  offensive material  », ainsi que tout contenu qui «  may lead to the production of an illegal item or illegal activity.  » ; sans véritable mise en œuvre. La méthode rappelle celle d’e-bay, quand le célèbre vendeur d’occasion en ligne s’était lancé sur le marché français en proposant sans discernement des objets hitlériens. L’entreprise arguait, outre la liberté d’expression ainsi que de commerce — tout comme Amazon en l’espèce —, de l’impossibilité, selon elle, de filtrer. Avant d’avoir battu en retraite à la suite d’une décision de justice exemplaire. En réalité, deux techniques se révèlent possibles : l’une consiste à installer un filtre par mots-clés. Mais cela a conduit par le passé à éradiquer en particulier tout site ou livre qui traite du dépistage du cancer du sein… L’autre solution passe par l’embauche de salariés chargés de trier, mais même les cyber-marchands les plus riches la trouvent trop onéreuse. Pour en revenir au Kindle, ce qui laisse songeur, c’est qu’Amazon a procédé au retrait du livre litigieux… sous la pression de consommateurs ulcérés — sans avoir pour autant regardé le contenu de l’objet en question, dont l’auteur a déclaré avoir vendu un seul exemplaire. La méthode ressemble fort aux décrochages d’expositions qui ont eu lieu depuis plusieurs années aux Etats-Unis de la part d’agités dignes des tea-parties , fustigeant Robert Mapplethorpe ou Nan Goldin. Amazon est resté muet à propos du contenu du livre désormais introuvable ; ce qui n’aide guère à y voir clair et demeure inquiétant. L’opinion publique décide donc seule des œuvres pouvant être vendues en ligne. Cela ressemble à mon i-phone, qui refuse toute application liée à la sexualité. J’ignore toujours si le livre retiré est problématique ou non. Une seule certitude : je ne suis pas prêt de pouvoir consulter mes Curiosa préférés sur une liseuse électronique.
15.10 2013

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