Dans ce quartier d'affaires du 8e arrondissement parisien, la proposition a de quoi surprendre. Ouverte en janvier 2020 au 72, rue de Miromesnil, la librairie de Guerrick Fouchet promet un « Gros Câlin » à quiconque franchit ses portes vitrées. Un nom emprunté au premier roman de Romain Gary-Émile Ajar qui met en scène « Michel Cousin, un homme malheureux en entreprise, en quête de lieux chaleureux », résume le libraire qui a étudié la philosophie avant de s'orienter vers une école de commerce.
Près de cinquante ans après la parution de cette fable sur la solitude de l'homme moderne, celui qui est alors entrepreneur dans l'événementiel et blogueur littéraire imagine un lieu pour réunir ses deux casquettes.
Démarche « politique »
« Le but était de créer un espace agréable qui suscite la rencontre et qui permette d'enrichir les individus pour qu'ils puissent être, au sein de leurs structures, encore plus avisés, profonds et sensibles par rapport à leurs interlocuteurs. » Autrement dit, le libraire poursuit « une démarche quasi politique » visant à « créer un lien entre le monde de l'entreprise et celui de la réflexion ».
Malgré l'instauration du premier confinement, deux mois seulement après l'ouverture, le charme du lieu opère. « Beaucoup de chefs d'entreprise ou de financiers privatisent la librairie pour le plaisir de passer une soirée avec leurs collaborateurs dans un bel endroit », indique Guerrick Fouchet qui offre un service haut de gamme incluant, sur demande, animation par un conférencier, présentation littéraire thématique, et buffet. Autre prestation phare, les « petits-déjeuners philosophie », animés par Clément Bosqué, sont quant à eux très prisés des avocats.
Mais il ne s'agit pas seulement de se retrouver ou de refaire le monde. Parmi la dizaine d'entreprises accueillies entre les murs de Gros Calin, la marque de cosmétiques Kiko a, par exemple, rassemblé ses managers autour du philosophe Michel Maffesoli pour un comité de direction. « Le but était de les faire réfléchir à une charte d'entreprise qui soit très inclusive », détaille Guerrick Fouchet.
Yoga et jeux de cartes
Depuis deux ans, l'entrepreneur multiplie les formats, du cours de yoga littéraire à l'atelier d'écriture « business », en passant par les fiches de lecture sur des régions françaises ou internationales à destination des commerciaux. Avec les équipes de Microsoft, le libraire a même tenté l'expérience d'un jeu de cartes stimulant l'intelligence collective. « Il n'y avait plus un bruit à certains moments, on sentait une réflexion très profonde autour de questions qui n'étaient pas soulevées depuis des mois dans l'équipe », se souvient-il.
À terme, Guerrick Fouchet espère réaliser un tiers de son chiffre d'affaires avec les événements professionnels, un autre tiers avec la vente de livres, et le dernier grâce à la privatisation par des marques. « On peut organiser une sélection de livres en lien avec leur activité et louer 10 emplacements dans la boutique pour vendre leurs produits », détaille Guerrick Fouchet qui propose actuellement, aux côtés de l'intégrale de Romain Gary et de ses 2 500 références, des chaussettes ou encore des bouillottes.
Une accolade particulière est réservée aux professionnels du livre, en particulier aux auteurs autoédités, qui peuvent privatiser la librairie à un tarif préférentiel. « Je suis le maillon qui manquait à tous ces jeunes auteurs qui n'ont pas de lieu pour faire vivre leur livre », estime le libraire. Une façon, encore, de rompre les solitudes contemporaines dépeintes par la figure tutélaire des lieux.