Brooklyn quesadillas, c’est le récit d’inspiration largement autobiographique du passage de l’adolescence à l’âge adulte d’un jeune Français fraîchement débarqué aux Etats-Unis. A l’instar de l’auteur, passé de sa petite ville des environs de Lille à Paris, puis en Afrique et enfin à New York, Joseph doit composer avec son récent emménagement à Brooklyn, un nouvel emploi de réalisateur d’un talk-show animalier et une paternité toute neuve. Un défi à entrées multiples, qui classerait simplement le livre d’Antony Huchette dans la catégorie des parcours initiatiques si celui-ci ne le traitait pas, grâce à un dispositif narratif particulièrement original, comme une épopée drolatique, un enterrement rocambolesque de vie de garçon que des rebondissements surréalistes projettent dans une quatrième dimension.
Comme pour la confection des quesadillas mexicaines, ces tortillas farcies de fromage et de piment, voire de poulet et de légumes avant d’être frites ou grillées, qui donnent leur sens au titre, Antony Huchette empile des couches d’histoires plus ou moins parallèles, restituées à partir de points de vue différents. Les scènes projetées par Joseph pour son talk-show viennent se fracasser sur la banalité de son quotidien avec sa femme et son fils. Des réminiscences en partie fantasmées de son parcours antérieur s’intercalent tandis que font irruption les vedettes oubliées des séries américaines qui ont bercé son adolescence dans les années 1980 et 1990. Il faudra que l’auteur et le héros épuisent tous les charmes de ces sirènes illusoires sorties de Sauvés par le gong, 21 Jump Street, Le prince de Bel-Air, Beverly Hills, Friends ou le Cosby Show, pour pouvoir renaître en hommes prêts à faire face à leurs nouvelles responsabilités.
Graphiquement aussi, Antony Huchette donne l’allure d’un sandwich tex-mex à sa jubilatoire odyssée. Des dessins pleine page alternent avec des « gaufriers » de cases classiques. A moins que les deux approches ne se mêlent pour renforcer encore le dynamisme de l’ensemble.
Fabrice Piault
