12 avril > Récit France > Gaëtane Lamarche-Vadel

Vadel, c’était son nom à elle, son nom de jeune fille. Prénom: Gaëtane. Lamarche, son nom à lui, Bernard. Ils n’avaient que 20 ans, en 1968, quand ils ont décidé d’accoler leurs deux patronymes et de les unir d’un tiret pour s’appeler Lamarche-Vadel. "Vadel se féminise autant que Lamarche s’aère. L’un et l’autre s’éloignent de l’identité clanique, et frayent une nouvelle voie." Sous ce nom, elle est devenue professeure de philosophie, essayiste. Lui, qui s’est donné la mort en 2000, à 51 ans, s’est fait connaître comme écrivain, poète, critique d’art, commissaire d’exposition. Ce nom composé, nom propre choisi, Gaëtane Lamarche-Vadel l’a conservé même après leur divorce, et c’est cette histoire de couple et d’identité qu’elle raconte dans ce récit autobiographique qui est aussi une petite généalogie du nom de famille, de tout ce qu’il charrie de symbolique et de politique, d’intime et de social. Le double nom, écrit à la troisième personne, navigue entre le général - cadre législatif, usages, références… - et le cas particulier.

Quand ils se rencontrent, Bernard Lamarche est magasinier à la librairie des Puf à Paris, Gaëtane Vadel est en maîtrise de philosophie à Nanterre. Très vite, alors qu’ils vivent en union libre, ils décident de "conjuguer leurs noms". Puis tentent de se marier; à la première cérémonie, les parents Lamarche, "catholiques intégristes" qui n’assument pas ce fils "original", ne sont pas présents, et le futur marié, mineur pourtant émancipé, avait besoin de leur autorisation… La deuxième tentative sera la bonne, mais pour l’état civil rien ne change, le droit proclame alors et pour des années encore "l’immutabilité du nom". Qu’importe, Lamarche-Vadel existe, Janus à deux visages, nom de plume, signature, "label".

Le double nom est l’histoire de cette invention, de cette fiction: au départ un acte de sédition, transgressif, puisqu’il prenait ses distances avec l’ascendance - "créer une lignée, au lieu de s’y inscrire" - et, aujourd’hui, alors qu’il peut être désormais légitimement transmis, la trace plastique d’une histoire d’amour, la marque d’un engagement et d’une fidélité. Véronique Rossignol

Les dernières
actualités