avant-portrait

Zelig, c’est lui. On l’a connu prof de piano, cosmonaute, assassin et lecteur, le revoici gardien de la paix à Paris. Pas facile dans la vie de vouloir les embrasser toutes. A moins d’être romancier. Et dans la jeune génération, Hugo Boris, 36 ans et déjà cinq romans, est sans doute parmi les plus purs raconteurs d’histoires que nous ayons. C’est-à-dire que, puisque à l’entendre il n’a pas beaucoup d’imagination, il sollicite le réel à sa place. Il dit : "Comme je ne veux écrire que des livres où je ne suis pas, le réel m’autorise à oser des choses."

Prenons ce Police, qui ne partage pas seulement avec un film de Pialat son titre, mais aussi une tendresse pour ses personnages, une humanité sans concession, ni illusions. C’est l’histoire de trois flics en tenue, deux types, une femme, chargés d’appliquer un arrêté de reconduite à la frontière d’un réfugié tadjik. Entre le centre de rétention et l’aéroport de Roissy, 25 kilomètres et quatre vies qui vacillent. Quatre vies qui se débrouillent comme elles peuvent avec l’ordre, la loi, l’indécision du monde et le besoin de consolation. Hugo Boris a vécu trois ans avec eux depuis cette nuit où le quotidien d’un commissariat fit irruption dans son esprit en écoutant la radio. Pour lui, ce roman "ne saurait être un livre sur les migrants". Il procède d’abord d’un examen minutieux de la réalité de la vie de ces flics, trop oubliés parce que ne leur échoit pas le prestige de l’enquête. "La palpation de sécurité à trois heures du matin dans un commissariat de Villeurbanne, c’est inoubliable…", dit-il, entre amusement et simple constatation.

Fasciné par l’écrit

On rencontre le romancier en un lieu qui n’en est pas vraiment un. Le plateau d’Aubervilliers. Un espace vide comme le pas de tir de Baïkonour, d’où s’échappait vers l’espace le héros de l’infiniment gracieux Je n’ai pas dansé depuis longtemps (Belfond, 2010), son troisième roman. Hugo Boris travaille non loin de là, dans une école de cinéma. Ce fils d’un père ingénieur et d’une mère comptable a longtemps dévolu aux livres (et aux films, croit-on comprendre) le soin d’offrir des horizons lointains. "Mon amour de l’écriture procède d’abord de mon amour de la lecture."

Il dit être devenu lecteur à Bordeaux, où il suivit des études de sciences politiques. Lycéen déjà, il avait rendu visite, en son domicile de la vallée de Chevreuse, à Michel Tournier, pour lui dire son amour du Roi des Aulnes. Avec l’âge, il confesse éprouver une véritable fascination devant tout document écrit, surtout si sa finalité première n’a rien de classiquement littéraire : catalogues de bricolage autant que "Pléiades", donc. Il est vrai que lorsque l’on a commencé une carrière de journaliste dans les pages de Funéraire magazine, écrire ne souffre pas l’approximation… De fait, de livre en livre, Hugo Boris est au plus près de la vie, au plus près de sa vérité. Olivier Mony

Hugo Boris, Police, Grasset. Prix : 17,50 euros, 190 p. Sortie : 24 août. ISBN : 978-2-246-86144-7.

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