LH - Pour l’éditrice que vous êtes, que change le fait d’être l’exécutrice testamentaire d’Albert Cossery ?
Joëlle Losfeld - Le monde de la littérature est tellement volatil que souvent, lorsqu’un auteur meurt, il n’est pas réédité. Etre son exécutrice testamentaire oblige à faire en sorte que l’on ne l’oublie pas. Mais Albert Cossery n’a jamais été manquant chez moi. J’ai été constamment à l’affût d’une édition qui relancerait les huit livres qu’il a écrits. Cette aventure n’est pas fondée sur un rapport immédiat de rentabilité, car on a commencé avec 1 800 ventes au titre. Lorsque j’ai commencé à rééditer ses œuvres complètes, il avait 75 ans. Il a accepté de venir avec moi en librairie, alors qu’il préférait draguer les filles et s’amuser plutôt que faire le service après-vente. Il se trouve qu’Albert n’avait pas d’enfants et peu de famille. En 2004-2005, il a été très malade et je me suis occupée de lui. Quand il est revenu de sa maison de repos, il a fait de moi sa légatrice universelle et son exécutrice testamentaire, c’est-à-dire qu’il me donnait aussi ses costumes, ses cravates, tout.
Quel écho ses livres ont-ils aujourd’hui ? Le personnage de Saint-Germain-des-Prés vivant à l’hôtel La Louisiane n’a-t-il pas pris le pas sur son œuvre ?
Jusqu’à ce qu’Antoine de Caunes et Gildas l’invitent à « Nulle part ailleurs » en 1990, il était un écrivain mythique pour certains, mais pas très connu. Il a fait un tabac sur le plateau en apparaissant comme ce personnage qui dénonçait les grands avec ironie et satire, avec une certaine joie de vivre à l’orientale. L’image de Cossery s’est réajustée à son œuvre. Car souvent, les portraits le présentaient en dandy qui avait connu Camus, allait au Flore, chez Lipp. Mais au Salon du livre, il était attendu, et il n’y a pas un jour où je ne vends pas un livre de lui. Je suis frappée parce qu’il a un public qui se renouvelle, et un public jeune. Il faut toujours faire connaître Cossery, pour sa réflexion sur le monde arabe, sa description de la façon dont vivait le petit peuple dans les pays arabes opprimés par les tyrans.
Prévoyez-vous des développements numériques ?
Oui, bien sûr, c’est en cours.
Que représente-t-il pour votre maison ?
Il rassemble trois choses que j’ai souhaité avoir dans mon catalogue : une parole forte au service d’une écriture originale, avec de l’humour et de la dérision. En termes de chiffre d’affaires, cela dépend des années, mais disons qu’il représente 2 % du fonds.
Propos recueillis par Catherine Andreucci
Mendiants et orgueilleux, édition augmentée et enrichie, à paraître le 17 octobre, avec une préface inédite de Roger Grenier, le dernier texte inachevé d’Albert Cossery, intitulé Une époque de fils de chiens, un texte de son premier éditeur Edmond Charlot, de nombreux hommages et un cahier photos (12,50 euros).
