Zone tendre à défendre. Nostos, c'est le retour en grec. S'il peut être doux, il est toujours douloureux. Cette douleur du retour s'appelle nostalgie. On veut y retourner mais on ne peut plus, cette impossibilité est une pierre qui vous entraîne dans un abîme de tristesse. Ou alors, on y retourne. À quoi au juste ? Aux mêmes lieux ? Aux personnes qu'on a aimées ? Elles sont là et quelque chose d'elles n'y est plus, elles sont parties et leur présence demeure. On rentre à la maison mais sa vraie maison est le passé.

Le fils du docteur se rend là où il a grandi, dans la maison de feu son père à Montbéliard. Jérôme n'y avait pas remis les pieds depuis neuf ans. Il se remémore son enfance solitaire. Orphelin de mère (elle est morte en couches), il a été élevé par ce docteur toujours vaquant au soin de ses patients. Un jour débarque une fillette de son âge, elle vivra avec eux. Camille est la filleule du docteur, la fille de ses meilleurs amis que Jérôme n'avait jamais vus et qui viennent de mourir. Les orphelins sont désormais comme frère et sœur. À l'école il rencontre Tony, qu'on surnommera bientôt Yvain, parce que cela sonne médiéval et que le garçon travaille dans le bois - un métier comme transmis du Moyen Âge. Ces trois-là grandissent ensemble et s'aiment. Ils épousent le combat de leur génération, le combat pour la planète, pour une autre planète.

Jérôme, aujourd'hui architecte, vient récupérer la voiture de son père. Direction la Cingle, une « commune » de militants écologistes qui défendent la forêt et sa biodiversité. C'est Yvain, l'un des membres de la ZAD, qui l'a recontacté après tant d'années de silence. L'ami architecte va les aider à construire des cabanes dans les arbres où se réfugier, quand les « keufs » donneront l'assaut pour évacuer la zone. Jérôme et Yvain avaient été ensemble, le sont encore un peu, quoiqu'ils ne fassent plus l'amour. Les traits d'Yvain se sont endurcis mais entre eux la tendresse circule à fleur de peau. Camille s'en va de Thomas Flahaut compose une triade fraternelle et amoureuse sur fond de combat écologique et à l'ombre de l'absence. Une des pointes du triangle a disparu. À Paris, à Berlin, jusque dans le Dakota... Camille a été de toutes les luttes, puis sans crier gare « s'est évaporée », « laissant, profond en Jérôme, une blessure ». Thomas Flahaut, en paysagiste du cœur, réussit à déployer une topographie concrète et intime d'une délicate poésie, où l'engagement politique ne nie aucunement le sens de la beauté.