Rendre à César ce qui est à César... On connaît ces paroles d'Evangile. Ne mélangeons pas tout, répond Jésus aux pharisiens, ne confondons pas le temporel (César) avec le spirituel (Dieu). Or s'il est un pouvoir qui pendant des siècles a mêlé les deux, c'est bien Rome en tant que siège de la foi catholique et apostolique. Car, autre ironie de l'histoire, c'est à partir de la Rome impériale qui persécuta tant de fidèles du Nazaréen que cette nouvelle religion, issue du judaïsme, allait essaimer aux quatre coins du monde. C'est dans la Ville éternelle que Simon dit Pierre, l'apôtre de Jésus, allait poser les fondations de l'Eglise chrétienne : selon la tradition, il est le premier pape.

Thomas Tanase retrace une Histoire de la papauté en Occident : de l'arrivée à Rome des premiers évangélisateurs (dont Pierre et Paul) et la conversion de l'empereur Constantin jusqu'au Concile œcuménique de Vatican II et ses enjeux actuels, en passant par « la construction d'une curie romaine universelle » aux XII^e et XIII^e siècles, « la papauté humaniste », ces princes mécènes des arts à la Renaissance, ou encore « la papauté face aux Révolutions » au XIX^e siècle (Pie IX, le pape du Syllabus, charge contre la modernité ; Léon XIII, auteur de l'encyclique Rerum novarum, premiers jalons de la doctrine sociale de l'église).

Comment le primus inter pares, le « premier parmi des égaux » (les apôtres sont à l'origine tous égaux) a-t-il été amené à incarner le « Vicaire du Christ » sur terre ? Le successeur de saint Pierre, au cours du turbulent haut Moyen Age, a besoin d'asseoir son autorité, en s'alliant notamment à la monarchie franque, laquelle est de son côté en quête de légitimité face à l'empereur d'Orient. Les papes vont au fil des siècles modifier et renforcer leur rôle. Léon III couronne Charlemagne avant l'acclamation par le peuple, et non l'inverse comme c'était l'usage : désormais c'est le pape qui fait l'empereur. Innocent III théorise sur les insignes de la papauté : la tiare, haute coiffe conique à la triple couronne, devient le symbole de la dignité papale et de la plenitudo potestatis - l'union des pouvoirs impérial et spirituel. Ce pape à poigne appelle au plus grand concile de l'occident médiéval et légifère sur le dogme : la confession, la transsubstantiation (la transformation du pain en corps du Christ dans l'hostie)... il ordonne la croisade. Vouloir écrire une histoire des chefs de l'Eglise catholique c'est autant faire la généalogie des pontifes romains qu'analyser cette fonction pontificale à travers les âges. Une sacrée odyssée !