On se souvient de la force perturbante de ce livre paru en 2004 : une fille racontait comment elle avait accompagné sa mère de 92 ans quand celle-ci avait décidé en toute conscience de la date de sa mort. Ou plutôt comment, pendant les trois mois d’un compte à rebours consenti, une mère avait tenu la main de sa fille pour la guider dans un deuil anticipé, un apprivoisement apaisant. C’était La dernière leçon donnée par Mireille Jospin-Dandieu, sage-femme, à sa fille cadette Noëlle Châtelet. Transmettre à son tour les enseignements de cette "expérience si âpre et si lumineuse" anime depuis l’universitaire et écrivaine qui s’est engagée activement sur la question polémique de la fin de vie et raconte ici une nouvelle étape : l’adaptation de son récit au cinéma.
Cette Suite accompagne donc le processus de fabrication du film auquel Noëlle Châtelet a été étroitement attachée, les deux ans et demi qui s’écoulent entre le oui donné à la réalisatrice Pascale Pouzadoux et le visionnage de la copie de travail. Un film que l’écrivaine voit comme une occasion de prolonger sous une nouvelle forme le combat pour le droit au suicide assisté que le geste de sa mère, militante de la première heure dans l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), a incarné. C’est la dimension politique de ce nouveau récit, dans lequel Noëlle Châtelet dénonce la frilosité de la République française dans le débat sur l’euthanasie et critique le dispositif législatif qui dépossède les citoyens de la liberté de choisir leur mort. Il y a aussi, comme dans le premier livre, toute la dimension intime du cheminement, les doutes et les appréhensions devant ce passage des mots à l’image. La crainte de la dépossession, de la trahison, d’une insupportable "distorsion du réel". Fiction "librement adaptée", interprétée par Marthe Villalonga et Sandrine Bonnaire, La dernière leçon sera à l’affiche à partir du 4 novembre. Le fils de Noëlle Châtelet en a réalisé le making of. La passation continue. V. R.