Métiers

En ce début d'automne, des départs en retraite viennent interroger la capacité du mouvement de rénovation des bibliothèques à se pérenniser. Après avoir contribué à animer pendant des années le monde des bibliothèques, Dominique Lahary et Patrick Bazin quittent leurs fonctions pour partir en retraite. Ils ont été précédé et seront suivis par d'autres mais la coïncidence de leur départ est marquante. Leur voix ne s'éteint pas pour autant et elle sera toujours écoutée mais elle se fera plus rare - après tout les bibliothèques sont un lieu d'ouverture et le moment de la retraite est l'occasion d'explorer des possibles qui n'ont pu l'être dans l'agitation de la vie active...

Pour reprendre la distinction classique du sociologue C. Wright-Mill, nous nous retrouvons dans le cas où les « épreuves personnelles » se doublent d'« enjeux collectifs ». Ces voix singulières vont manquer pour porter le discours de la nécessaire reformulation des bibliothèques. Or celui-ci est nécessaire en interne pour montrer aux professionnels non seulement que le changement est souhaitable mais qu'il est aussi possible.

D. Lahary et P. Bazin ont tous deux porté des projets reposant sur la prise en compte du mode de vie de la population à laquelle leur bibliothèque s'adressait. C'est le cas par exemples de RéVOdoc dans le Val d'Oise ou du Guichet du savoir à Lyon. Ces initiatives ont aussi permis de rénover l'image des bibliothèques dans la population et chez ses représentants élus. Elles aident ainsi à maintenir le lien vital entre la population et cet équipement public.

Cette dynamique survivra-t-elle au départ de ces « anciens » ? C'est l'enjeu de la période qui s'ouvre. Si les institutions peuvent survivre à la succession des générations, elles ont besoin de l'engagement des individus  particulièrement dans la période actuelle où leur évidence est soumise à justifications. Heureusement, il existe une relève qui partage le souci de penser les bibliothèques à partir des publics. Dans une myriade d'établissements, souvent de taille restreinte mais pas seulement, on trouve des équipes et des responsables qui se sont appropriés cette sensibilité au public. Sans souci d'exhaustivité on peut citer M. Servet, O. Ploux, A. Jacquet, C. Ducroux, M. Vanmarque, J.-L. Brochard, A. Lejeune, J.-C. Niclas, D. Deschamps, F. Legendre, etc.

Ces professionnels s'engagent fortement dans la vie de leur établissement et parviennent à leur donner un nouveau visage même si c'est parfois avec difficulté. Mais, si l'ancrage local est nécessaire en ce qu'il offre une vitrine des mutations possibles, il ne suffit pas à enrôler l'ensemble des professionnels et les élus dans la réécriture d'une vision de la bibliothèque en phase avec la population desservie. Par manque de temps sans doute, les membres de cette relève ne se font pas assez connaître. Ils prennent peut-être moins facilement la plume (disons le clavier...) que leurs aînés pour écrire sur le métier.

En tous les cas, il appartient aux institutions du monde des bibliothèques de leur faire de la place et de les valoriser de façon à ce que des professionnels continuent à tenir un discours commun susceptible d'orienter l'action des autres collègues et finalement à assurer la mutation et donc la survie de cet équipement. Succéder...

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