Pendant six ans, de 2007 à 2013, Fleur Breteau a travaillé dans une PME d’accessoires érotiques haut de gamme, associée dès sa création au développement à Paris et en province d’une petite chaîne de lovestores proposant prothèses et jouets coquins pour adultes, des sex-shops "post-modernes" que leur concepteur voulait dédiés à l’épanouissement amoureux et au dialogue dans le couple.
L’amour, accessoires raconte sous la forme de courtes chroniques, façon choses vues et entendues, la vie d’un "magasin pas comme les autres" et les coulisses d’un métier qui requiert des compétences de vendeuse experte autant que de conseillère conjugale. "Les confessions au milieu du magasin me stimulent et me grignotent. C’est un travail. C’est mon travail." Le ton naturel et cru rend savoureux ce récit jamais graveleux, attaché à rendre l’extrême normalité d’un commerce qui présente la particularité de donner un accès direct à l’intimité des clients, aux fantasmes et aux frustrations de ses contemporains.
Les observations de Fleur Breteau sont tour à tour cocasses et militantes, toujours sans tabou ni jugement. De l’humour distancié quand il s’agit de faire ses courses chez le grossiste "supermarché du cul", plein de gadgets bon marché fabriqués en Chine, ou au salon Venus à Berlin, "le salon mondial de la fesse". De l’ironie quand elle constate qu’il y a bien peu de femmes parmi les designers de vibromasseurs et dans l’industrie du plaisir féminin en général… Elle se décrit déroulant les argumentaires, les mérites comparés de tel ou tel sextoy avec la même décontraction professionnelle que si elle présentait le dernier modèle de cafetière. Adepte des produits bio, esthétiques et sains, en silicone médical, acier chirurgical, "en verre soufflé (de fabrication européenne)", pas "bourrés de phtalates", elle dispense conseils sur mesure, sa philosophie posant comme base le libre et réciproque consentement. Entre considérations techniques et réflexions critiques sur cette industrie de l’amour s’intercalent des épisodes plus personnels, dont l’histoire d’une arrière-grand-tante haute en couleur, tenancière du Sphinx, une célèbre maison close de Montparnasse dans les années 1930, où "des fresques de Van Dongen, ami de la maison, [ornaient] les murs". Autres temps, mêmes mœurs. V. R.