Avant-Critique Récit

Sergio del Molino, "Histoire de ma peau" (Éditions du sous-sol)

Sergio del Molino - Photo © Patricia J. Garcinuño

Sergio del Molino, "Histoire de ma peau" (Éditions du sous-sol)

Dans Histoire de ma peau, l'Espagnol Sergio del Molino  livre une autobiographie sensible sous le prisme de la maladie.

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Par Olivier Mony,
Créé le 10.03.2023 à 09h00

Gratter ses plaies. Curieusement inconnu jusqu'alors en France, collaborateur régulier d'El País, du New York Times ou du Guardian, auteur de nombreux livres à succès, Sergio del Molino, 43 ans, est l'une des grandes plumes ibériques de ce temps, aux frontières (floues dans son cas) du journalisme et de la littérature. Aussi la publication dans notre pays de cette première traduction, Histoire de ma peau, est-elle l'occasion bienvenue de vérifier le bien-fondé de sa flatteuse réputation. En tout état de cause, si le reste de l'œuvre est à cette hauteur, c'est bien d'un nouveau grand d'Espagne qu'il convient de parler.

Soit un enfant. Del Molino lui-même. C'est la fin des années 1980, il a 8 ans, en été, sur une plage. Se piquant par inadvertance le pied sur une seringue enfouie dans le sable, le gamin se persuade qu'il vient de vivre le premier jour de sa mort, que le sida sera la conséquence de cet accident. Les années passent pourtant, et rien. Jusqu'à ce jour de ses 21 ans où son corps déclare une maladie de peau aussi chronique que douloureuse, le psoriasis. La peau donc, la peau désormais comme symptôme et comme confession. « Se jouer la peau », comme le font les toreros et comme devraient le faire les écrivains, Sergio del Molino va s'y employer avec une belle frontalité, une franchise désarmante. Et il convoque d'abord le spectre large de ces hommes qui dans l'Histoire souffrirent de la même affection. Staline prenant les eaux entre deux massacres et trois trahisons, John Updike au soleil des Caraïbes fasciné par la peau noire d'une jeune bibliothécaire, une passion de Nabokov empêchée par la maladie, ou même Pablo Escobar... Des monstres, des monstres comme celui que tout malade peut se sentir devenir dans le regard des autres. Dans Histoire de ma peau, ces éclats biographiques viennent s'insérer dans un projet littéraire plus vaste, puissamment réflexif et marqué d'abord par la propre histoire de l'auteur (mention spéciale à ces pages superbes où il évoque son rapport à sa paternité). C'est une œuvre sans complaisance qui se déploie sous nos yeux, avec une liberté formelle qui n'est pas sans rappeler celle du cinéaste Nanni Moretti dans son Journal intime. Une œuvre grave qui se donne le chic de la légèreté.

Sergio del Molino
Histoire de ma peau Traduit de l’espagnol par Éric Reyes Roher
Éditions du Sous-sol
Tirage: 4 500 ex.
Prix: 22,50 € ; 320 p.
ISBN: 9782364685307

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