L’histoire est souvent un théâtre tragique. Shakespeare l’a magnifiquement démontré. Imaginez sur la scène du XVIIe siècle Louis XIII, la reine mère Marie de Médicis, Michel de Marillac, le garde des Sceaux, et François de Bassompierre, maréchal de France. Tous ces protagonistes jouent un rôle dans ce que nous avons retenu sous le nom de "la journée des dupes", celle où Richelieu faillit perdre le pouvoir.
Mais que s’est-il vraiment passé ce 11 novembre 1630 ? Christian Jouhaud nous propose de visiter les coulisses du drame, autour du personnage central, Richelieu, ce génie politique qui sait comment fonctionne le pouvoir et qui s’arrange pour faire réécrire l’événement en sa faveur, l’interprétation précoce de l’action faisant partie de l’action elle-même. Christian Jouhaud replace cette journée dans son contexte quasi pathologique. Il n’en fait pas le mal, mais le symptôme de quelque chose de plus important. C’est autant un conflit d’ambitions qu’une vision politique qui est en cause, celle de Richelieu contre le parti dévot qui préconise la paix avec les Habsbourg. Grâce à ce dispositif, l’historien nous fait entrer dans la politique d’alors, avec l’épisode de Bordeaux en 1633 où les deux clans s’affrontent de nouveau. Voilà pourquoi on peut parler de théâtralisation, dans le meilleur sens du terme. Il s’agit d’éclairer la scène politique et de réfléchir aussi sur les traces laissées par le pouvoir dans le temps, dans les écrits, pour traduire schématiquement une lutte entre justice sociale et indépendance nationale. Ce directeur d’études à l’EHESS et directeur de recherche au CNRS poursuit ici son travail sur le pouvoir en action dans le Grand Siècle et sur la manière dont il fut transmis.
Parallèlement à cet essai d’une belle profondeur, Christian Jouhaud a écrit la biographie imaginaire d’un historien fictif. Il s’appelle René Dartigaud, il est né en 1944 - Jouhaud en 1951 - et il est un peu fou du passé et sans doute même fou tout court. Curieuse histoire entêtante où l’on croise Mauriac, Toulouse-Lautrec et Marcel Mauss et où il est question d’un Groupe expérimental d’immersion historiographique… Pas de doute, Christian Jouhaud aime autant l’histoire que l’écriture de l’histoire. L. L.
