Chelsea girl. C'est à 15 ans que Marianne Clifford perd sa virginité à l'arrière d'une Morris Minor bleu ciel. Le garçon s'appelle Simon Hurst, de trois ans son aîné. Il s'apprête à rentrer à Oxford et voudrait devenir écrivain. Marianne est amoureuse comme elle sait déjà ne jamais pouvoir l'être plus. Elle se dit : « Je vais bientôt épouser Simon, courir le monde avec lui, manger des dattes en Arabie et faire de la plongée au milieu des poissons exotiques le long de la grande barrière de corail »... Las, ce programme se fracasse face à l'échec aux examens de Simon et son départ pour Paris, laissant Marianne seule et inconsolée. C'est la fin des années 1950, mais aussi l'heure, pour l'Angleterre, de la dissipation des derniers fantômes de la guerre. Ce qui se présente, le Swinging London, s'appelle aussi la jeunesse. Marianne y grandira, forte de la folle espérance de son amour, auprès de son amie Petronella, dans le quartier tumultueux de Chelsea. Pendant ce temps, de l'autre côté de la Manche, Simon se cache de tous et de lui-même, abritant un lourd secret...

Spirituelle, joliment excentrique, beaucoup plus intelligente qu'elle ne le croit, Marianne est un superbe personnage. Elle est la narratrice d'Absolument et pour toujours, le nouveau roman de la grande Rose Tremain, lauréate du prix Femina étranger 1994 pour Le Royaume interdit (Éditions de Fallois). Rose Tremain, c'est le chaînon manquant entre William Boyd et Jonathan Coe, et plus que jamais avec ce livre, éducation sentimentale (une vie, un amour contrarié, quoi d'autre ?) inspirée à laquelle ne manquent ni la nostalgie ni l'humour. Chaque page de ce court roman exhale une sorte de magie, un soupir d'enchantement. Le pas de tango qu'y dansent la jeunesse et la trahison a comme des échos, passés à l'ironie british, de Bonjour tristesse. Ici aussi, sous la surface brillante du récit rôdent les ombres de la dépression. C'est donc à propos d'amour, d'espoir, d'orgasmes (avec un rôle non négligeable en la matière de strings en cuir moulants...) et de la difficulté de « devenir ». C'est déjà beaucoup.