avant- portrait > Géraldine Schwarz

Géraldine Schwarz est biculturelle. Un bagage pas toujours facile à porter. Née à la frontière franco-allemande, elle a ressenti un malaise dès l’école primaire. "J’avais envie d’être comme tous les enfants, alors ça semblait encombrant d’avoir un père allemand." Elle refuse du coup de parler avec lui dans la langue de Goethe. Une gêne accentuée par une germanophobie qui imprègne encore la France des années 1980. Après une scolarité au Lycée international, la jeune fille s’oriente vers des études d’histoire, même si "ce n’est pas le passé qui m’intéresse, plutôt la façon dont l’histoire se déroule sous nos yeux". Cette vision l’encourage à devenir journaliste. Elle débute à l’Agence France Presse, pour laquelle elle est correspondante à Berlin. La meilleure école. Un métier intense, mais frustrant car, faute de moyens, il ne lui "permet pas d’avoir un regard posé sur les choses". Le documentaire historique lui conviendra mieux, "parce qu’il semble si éclairant pour le présent".

"Les historiens ont le monopole du passé, mais au-delà des faits, il y a l’histoire de chacun." La journaliste cherche les traces mémorielles et leur impact sur les générations suivantes. Cette quête la mène à s’interroger sur sa propre famille. "Au départ, je n’osais pas franchir le pas du personnel, mais j’ai réalisé que je pouvais le rendre universel. Quelle sacrée odyssée !"

 

« Petites lâchetés »

Ainsi prend forme Les amnésiques, un récit qui déverrouille les tabous. A commencer par la vérité, côté paternel. Géraldine Schwarz découvre que son grand-père avait la carte du parti nazi et qu’il a racheté une entreprise juive en 1938. Ni adhérant à l’idéologie du national-socialisme, ni collabo, il s’avère juste Mitläufer ("sympathisant" en français). A l’instar de "la majorité du peuple allemand, qui a accumulé un aveuglement conformiste et de petites lâchetés opportunistes. Or il faut le responsabiliser car il a contribué à la dictature d’antan, y compris dans d’autres pays", souligne l’essayiste. Autre défi : pointer l’impunité juridique et le silence de l’après-guerre, histoire de "réunifier les peuples autour de nouveaux projets démocratiques". Comment se réconcilier avec sa mémoire, aussi noire soit-elle ? Un pari réussi par l’Allemagne tandis que la France amorce timidement ce chemin. Mais tant de pays cultivent l’amnésie.

"L’écriture va à l’encontre de cela en donnant du sens au passé. On ne peut que l’intégrer s’il est enseigné à l’école et qu’il est personnifié, grâce à des échanges familiaux", assure Géraldine Schwarz. L’expérience de ce livre lui a offert un magnifique cadeau, un rapprochement inespéré avec son père et une découverte de l’intégralité de son identité.

Kerenn Elkaïm

Les amnésiques, de Géraldine Schwarz, Flammarion. 20 euros, 350 p. Tirage : 5 000 ex. Sortie : 13 septembre. ISBN : 978-2-08-141699-4.

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