Un des charmes de la jeunesse, c’est d’ignorer que ce qu’on fait pour la première fois, les autres l’ont déjà fait avant soi. On fait sécession avec un sentiment d’indépendance, on regimbe avec la niaque de la rébellion… Chaque époque a sa classe de cancres plus ou moins talentueux et fougueux, riffs de guitare ou slogans politiques couvrent le ronron environnant et résonnent fort. Il y a eu les grunges, les punks, avant eux Mai 68, le rock’n’roll, plus loin encore les romantiques… Le narrateur du premier roman de Julien Decoin, Un truc sauvage, a 16 ans et fait parti d’une bande qu’il affuble du nom d’Inséparables : « Ce serait le titre du film si la vie était finalement aussi simple qu’un braquage, générique arrêt sur image pour chaque personnage. » Inspirés des Beatles, ces « drôles d’oiseaux » ont chacun un nom reflétant leur personnalité propre : Helter Skelter, le râblé tout en muscles prêt à cogner ; Not Guilty, le petit malin sans foi ni loi ; Revolution#9, le « chiant » râleur ; et son pendant toujours partant, la « bonne pâte », Magical Mystery Tour. Mais peu importe leurs rôles, ils jouent collectif : « Entre nous, c’est tu, mais le plus souvent, c’est rien. On sait qu’on se parle, on s’écoute. Il n’y a que l’extérieur qui utilise nos noms, ils sont faits pour ça, pour les profs, les parents, les filles. » Ils jouent aussi dans un groupe et imaginent « des coups », quatre cents jusqu’à leurs 18 ans. Soudés comme les doigts d’une main, ce que ressent l’un, les autres le ressentent. Et pourtant l’« Attrape-cœur » qui raconte éprouve des sentiments pour Emilie, qu’il a embrassée et qui l’a jeté. Avec « Elle » il ne badine pas, avec Elle ce sera pour la vie, mais Elle n’est pas impressionnée…
Avant la date fatidique de leur majorité, les Inséparables continuent leurs frasques. L’amour, le vrai, attendra : « Ne surtout pas vivre d’amour et d’eau fraîche. Mais de flirt sans lendemain et de bières. Ça tombe bien, ce sont les seules blondes à bulles dont j’ai envie de me souvenir au réveil. J’ai fait une overdose des autres. » En sortant d’une soirée, le jeune héros marche un peu pour décuver et tombe sur un personnage bizarre et malodorant qui lui donne sa carte, une agence qui changera peut-être le cours de son destin en attendant ce « truc sauvage ». S. J. R.
