Les livres de Sophie Bassignac sont peuplés de personnages excentriques qui ne font rien comme les autres. Dans le genre secoué, on ne trouve pas mieux que Maud Ritter. L'héroïne d'Un jardin extraordinaire est une grande brune efflanquée toute en cheveux. Cette fille d'un imprimeur qui a pratiqué la danse classique a une passion pour les jardins et un emploi de monitrice dans une auto-école.
Maud habite en province, une maison dans un bourg. Quand débute le roman, elle rentre de San Francisco avec Bruno, son fils unique et adoré. Dans le wagon de deuxième classe étouffant du TGV qui les ramène chez eux, l'adolescent au teint cireux et sa mère, qu'il sait "incapable de se comporter normalement, prête à tout pour un bon mot", croisent un inconnu. Il répond au nom de Fox, est marchand d'art, vend, achète, collectionne.
Ledit Fox plaît d'emblée à Maud. Laquelle n'oublie pas pour autant qu'elle est mariée de longue date à Hubertus, un professeur spécialiste du Moyen Age et un peu solitaire. Autour d'elle, on trouve aussi son frère François. Doux poète bâtisseur sur le point de se marier pour la première fois à 40 ans. Avec Edwige, végétarienne adepte du bio qui aime regarder le journal télévisé avant de dîner. Maud, elle, pourrait passer le plus clair de son temps dans son "jardin extraordinaire". Un lieu pour le moins atypique qui ressemble "à une scène de théâtre expérimental des années soixante-dix"...
Sophie Bassignac mène son affaire tambour battant, avec la grâce et le charme qu'on lui connaît. Depuis Les aquariums lumineux (Denoël, 2008), elle ne cesse finalement de creuser un même sillon. D'écrire avec style des comédies profondes et espiègles qui montrent l'épaisseur et la complexité de l'existence et des êtres. L'auteure de Dos à dos (Lattès, 2011) est ici à son meilleur. Qui pourra résister à Maud ? A une femme qui a compris que "vouloir la perfection, c'est dire non à tant de choses, que ça ne ressemble plus à la vie" ?