C’est un anniversaire sans fanfare mais qui s’annonce efficace. Les éditions de la Fabrique fêtent leurs 15 ans en remettant en avant leur fonds de 130 titres. "Aujourd’hui, j’ai l’impression que la tournure offensive de la maison lui donne sa cohérence. Cela fait partie de nos critères de choix éditoriaux, explique Eric Hazan, fondateur et gérant. Nous avons arrêté de faire des livres qui ne sont que des états des lieux." Une radicalité qui se lit dans les livres de l’automne : Premières mesures révolutionnaires, signé Eric Hazan et Kamo (pseudonyme de Julien Coupat), Rendre le peuple heureux de Saint-Just (15 octobre), Souvenirs d’un révolutionnaire de Gustave Lefrançais (15 novembre) et une importante édition de Baudelaire de Walter Benjamin, établie par Giorgio Agamben, Barbara Chitussi et Clemens-Carl Härle (22 octobre).
Car La Fabrique reste fidèle à ses domaines de prédilection : l’histoire du XIXe siècle, la philosophie avec les auteurs emblématiques que sont Jacques Rancière ou Alain Badiou, les sujets de société en France et la question palestinienne. "C’est une maison indispensable dans le paysage, car il n’y a pas beaucoup de gens aussi gonflés et déterminés, toujours en résistance", souligne Pierre Saiah, directeur de Belles Lettres Diffusion-Distribution.
La publication, dès 1999, de L’édition sans éditeurs d’André Schiffrin a assuré une rapide renommée à La Fabrique. "§Nous tenons avec le soutien d’une cinquantaine de libraires, indépendants mais pas seulement, souligne Eric Hazan. Le danger le plus redoutable pour la librairie, c’est Amazon, qui est le premier client de tous les éditeurs français et de loin, avec le but explicite de supprimer tout intermédiaire entre eux et les lecteurs." Si les ouvrages ne sont pas disponibles en numérique, c’est "§pour des raisons pratiques, pas idéologiques. Pour une petite boîte, il est très compliqué et très cher de passer au numérique", explique l’éditeur qui met en ligne gratuitement certains titres. Mais la transition est prévue, et les auteurs ont reçu un addendum à leur contrat.
Le chiffre d’affaires net, lui, "augmente régulièrement et sera proche de 300 000 euros cette année", dit-il. Si la maison, restée indépendante en publiant une douzaine de titres par an, fonctionne en collectif autour d’un comité éditorial et de deux salariés, elle doit beaucoup à la personnalité d’Eric Hazan, ancien chirurgien qui a dirigé les éditions Hazan, et est aussi devenu un écrivain très suivi comme le montre l’écho de son dernier livre, Une histoire de la Révolution française (La Fabrique, 2012). A 77 ans, il continue le combat.
Catherine Andreucci