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Quels sont les écrits protégeables par le droit d'auteur?

Quels sont les écrits protégeables par le droit d'auteur?

La France est dotée d’une jurisprudence qui protège les textes au cas par cas. Mais chaque pays a sa législation. Ainsi en Roumanie, on protège les compte-rendus, au Honduras les formulaires et en Malaise la poésie.
 

A l'automne 2018, la Cour fédérale de justice d’Allemagne, a jugé, pour contrefaçon, le quotidien Westdeutsche Allgemeine Zeitung pour la diffusion de rapports militaires. Ce procès retentissant a reposé la question des écrits éligibles à une protection par droit d’auteur...  

En France, le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) énumère, non limitativement, ces écrits. On y relèvera notamment pour ce qui concerne les éditeurs, sans que cette liste soit exhaustive.

« - les livres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques ;
– les conférences, allocutions, sermons, plaidoiries ;
– les œuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie ;
– les photographies ;
– les illustrations, les cartes géographiques ;
– les plans, croquis et ouvrages relatifs à la géographie, à la topographie, à l’architecture et aux sciences ;
– les œuvres graphiques et typographiques. 
»

Ce sont là des œuvres que l’on peut nommer œuvres premières.       
Mais, le CPI évoque aussi les œuvres dites dérivées, et en particulier :
« – traductions, adaptations, transformations ou arrangements des œuvres de l’esprit protégées;
– anthologies ou recueils d’œuvres diverses « qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles
».

Enfin, les titres, comme désormais les bases de données, sont eux aussi protégés par le CPI dans des dispositions particulières.

Cette énumération a été largement complétée par la jurisprudence, qui a déclaré protégeables nombre de créations non visées par la loi mais qui intéressent au premier chef les éditeurs. Elle demeure bien entendu ouverte à l’insertion d’autres types d’œuvres de l’esprit, qui n’ont pas encore suscité de débats en justice ou qui restent à créer.
En réalité, n’importe quel écrit faisant montre d’originalité peut prétendre s’abriter sous le droit d’auteur.

Variété, originalité et sensibilité

C’est ainsi que les tribunaux ont pu admettre la protection par le droit d’auteur d’écrits aussi divers que le guide d’une ville, un programme de courses, un catalogue de vente, des notes prises par un homme politique au cours d’une réunion, un répertoire, une éphéméride, un calendrier, le texte descriptif d’un brevet, des comptes-rendus de transactions boursières, le résumé d’une décision de justice, une thèse, un guide des cocktails, un indicateur, un guide de calcul des rémunérations dans l’informatique, des histoires drôles, un catalogue d’exposition, des formulaires divers, un manuel d’astrologie, un livre d’heures, etc.

Car le droit d’auteur protège les œuvres « originales ». Or, l’originalité est une notion dont la définition en propriété littéraire et artistique diverge de l’acception courante, comme l’a rappelé le Tribunal de grande instance de Paris, dans un jugement du 13 juin 2013. 

La condition d'originalité n'est pas expressément contenue dans la loi, mais seulement évoquée en deux occasions. Sa définition est donc difficile à tracer. Il s'agit pourtant, selon la jurisprudence, de l’élément le plus indispensable à une protection par le droit d'auteur.

Les juridictions assimilent l’originalité à « l'empreinte de la personnalité de l'auteur ». Il s’agit donc de la marque de la sensibilité de l’auteur, de sa perception d’un sujet, des choix qu’il a effectués et qui ne lui étaient pas imposés par ledit sujet. C’est une sorte d’'intervention de la subjectivité dans le traitement d'un thème. L’auteur a choisi de peindre le soleil en violet, d’écrire un chapitre sur deux en alexandrins, de transposer le petit chaperon rouge dans l’espace, etc. Tous ces parti-pris, qui ne sont pas obligés, témoignent de l’originalité, au sens juridique du terme. 

L’originalité n’est ni l’inventivité, ni la nouveauté dont il faut clairement la distinguer. Une œuvre peut être originale sans être nouvelle : elle bénéficiera donc de la protection du droit d'auteur, même si elle reprend, à sa manière, un thème cent fois exploré. 

De même, une œuvre peut être aussi originale tout en devant contribution à une autre œuvre. Il en est ainsi des traductions, adaptations, etc. À la différence de la nouveauté, notion objective qui s'apprécie chronologiquement – est nouvelle l'œuvre créée la première –, l'originalité est donc une notion purement subjective. Dès l'instant qu'une œuvre porte l'empreinte de la personnalité de son auteur, qu'elle fait appel à des choix personnels, elle est protégée par le droit d'auteur. 

Cas par cas

Pour chaque type d’oeuvre, la jurisprudence a élaboré des repères permettant de déterminer les traces de l’originalité. En matière littéraire, l'originalité se retrouve dans deux éléments : la composition et l'expression. La composition est l'ordonnancement des chapitres, le déroulement de la trame, la mouture, le plan. L'expression, c'est le style, le choix des mots et des tournures de phrase. 

L'originalité d’un livre peut cependant ne résider que dans sa seule expression ou dans sa seule composition. C'est ainsi qu'une anthologie de fabliaux n'a d’originale que sa composition. L'auteur de l'anthologie ne pourra prétendre à une appropriation des textes choisis, mais pourra, en revanche, poursuivre en justice quiconque reprendra l'ordonnancement qu'il aura suivi. A l'inverse, une version romancée de La Belle au bois dormant sera originale par son expression, mais non par sa composition.

Il ne faut pas oublier qu'en l'absence d'originalité, et donc de protection par le droit d'auteur, l'éditeur peut toujours arguer de la concurrence déloyale pour décourager les « copieurs ». Le droit des bases de données, qui repose également sur d’autres critères, peut s’avérer utile, y compris dans les affaires d’édition.

D'autres législations

Pour bénéficier du droit d'auteur, l'œuvre doit être une « création de forme » originale. Cela signifie que sont exclues les simples idées et que seule la matérialisation d'un projet est protégeable.

Rappelons encore que la création est la seule « étape » nécessaire au processus de protection. À ce titre, il ne faut pas confondre le droit français avec l'ancien droit américain, qui, pendant longtemps, exigeait l'accomplissement de formalités (en particulier un enregistrement à la bibliothèque du Congrès). Il ne faut pas non plus procéder par amalgames avec la propriété industrielle (qui couvre les marques, les brevets, les dessins et modèles, les obtentions végétales, etc.), demandant toujours d’effectuer des démarches constitutives de droits.

D’autres législations sont bien plus restrictives que le droit français et n’accordent le bénéfice de la propriété littéraire et artistique qu’à certains types d’écrits.
En matière d’écrit, plusieurs pays opèrent des distinctions subtiles selon le genre de l’œuvre. C’est ainsi que les îles méditerranéennes (Malte, Chypre) ou l’Afrique australe traitent séparément des biographies… Ou encore que les « légendes » préoccupent les législateurs camerounais, ivoiriens et rwandais. Certains commentateurs y voient le travail des groupes de pression qui ont su utiliser leur poids politique à bon escient.

Un rapide tour du monde des écrits protégés peut toutefois laisser songeur. Si les « Belles-Lettres » ont inspiré la Hongrie et le Liechtenstein, l’Uruguay a tenu à viser expressément les « consultations professionnelles écrites »… L’Amérique latine est d’ailleurs très obsédée par la « paperasse », puisque le Honduras s’inquiète des « formulaires » et des « contrats ». La Roumanie – mauvaise habitude ceaucescuienne? – apprécie les « comptes-rendus ». L’île Maurice tient à ses « jugements », auxquels la France, pourtant magnanime, ne confère pas de protection. Ouf, la Malaisie a choisi de privilégier la « poésie »…

Pêle-mêle, on trouvera aussi bon nombre de législations qui ont pris soin de citer les « mémorandums », les « œuvres se rapportant à la religion », les « rapports » ou les « traités ».

Rassurons les éditeurs français : la convention de Berne, à laquelle beaucoup des États précités sont adhérents, englobe les « livres, brochures ou tous autres écrits ». De plus, si un État a choisi de faire plaisir à un lobby particulier en mentionnant en toutes lettres sa production dans les catégories expressément protégées, les règles de droit international permettent souvent aux éditeurs étrangers d’en profiter.
 
 

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