Le podcast s’est imposé comme un format central dans l’univers numérique de l’audio, mais son cadre juridique demeure incertain. Le rapport du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) de février 2025 analyse les problématiques juridiques du podcast sous l’angle du droit d’auteur, des droits voisins, des relations contractuelles et du rôle des plateformes numériques. L’enjeu principal est de déterminer si le cadre existant du Code de la propriété intellectuelle (CPI) permet une protection adéquate des créateurs et des producteurs ou si une réforme législative s’impose.
Les podcasts sont-ils des œuvres sonores ?
L’une des premières difficultés rencontrées est la définition du podcast en tant qu’objet de droit. Le rapport distingue le podcast comme contenu (création protégée par le droit d’auteur) et comme contenant (support de diffusion relevant des droits voisins). Or, la classification du podcast en tant qu’œuvre de l’esprit au sens de l’article L. 112-2 du CPI n’est pas évidente. Si certains podcasts peuvent être qualifiés d’œuvres audiovisuelles ou radiophoniques, d’autres ne correspondent à aucune catégorie juridique précise. Cette incertitude complexifie l’application du droit d’auteur et la détermination des ayants droit.
Le rapport propose donc de ne pas créer une nouvelle catégorie d’« œuvre sonore », estimant que le régime actuel peut suffire à encadrer le podcast. Toutefois, la mise en place d’une nomenclature unifiée des métiers du podcast permettrait de clarifier les rôles des auteurs, réalisateurs et producteurs, facilitant ainsi l’application du droit existant. Cette nomenclature pourrait permettre de mieux structurer les accords contractuels et les pratiques sectorielles, garantissant ainsi une plus grande sécurité juridique aux acteurs du domaine.
L’absence de classification spécifique impacte directement la reconnaissance du podcast en tant que production culturelle, ce qui limite l’accès à certains dispositifs de soutien et subventions. Une clarification de son statut juridique pourrait ainsi permettre de renforcer la structuration économique du secteur et de lui offrir un cadre juridique plus protecteur et prévisible.
Les podcasteurs sont-ils des producteurs de phonogrammes ?
Le rapport souligne que les droits d’auteur protègent le contenu des podcasts dès lors qu’ils sont originaux et empreints de la personnalité de leur créateur. La qualification du podcast en tant qu’œuvre composite, collective ou de collaboration varie selon les conditions de production. Les artistes-interprètes bénéficient également de droits voisins lorsque leur contribution est identifiable.
Concernant le contenant, la question de l’application des droits voisins aux producteurs de podcasts est débattue. Certains réclament la création d’un droit voisin spécifique, à l’image de celui accordé aux producteurs de phonogrammes. Toutefois, le rapport conclut que les protections existantes, notamment celles des entreprises de communication audiovisuelle, suffisent. Une adaptation des pratiques contractuelles permettrait de mieux sécuriser les investissements des producteurs sans nécessiter une réforme législative.
Le rapport insiste sur la nécessité de mieux encadrer les pratiques d’exploitation des podcasts, notamment à travers l’application stricte des contrats de cession de droits et la mise en place d’une régulation plus efficace des relations entre créateurs et diffuseurs. Une meilleure information des auteurs sur leurs droits et obligations apparaît également essentielle pour éviter les déséquilibres contractuels et garantir une répartition plus équitable des revenus issus de l’exploitation des podcasts.
Relations contractuelles et rémunération des acteurs
Les relations contractuelles entre auteurs, interprètes et producteurs sont marquées par une grande hétérogénéité, en raison de l’origine diverse des acteurs du secteur (radio, presse, audiovisuel, indépendants). Le rapport constate que la rémunération des créateurs repose souvent sur des forfaits, ce qui pose problème en l’absence de rémunération proportionnelle aux exploitations des podcasts.
Une revendication récurrente concerne l’adoption d’une convention collective spécifique à la production sonore numérique. Toutefois, le rapport souligne que le regroupement des branches et la limitation du nombre de conventions collectives rendent cette initiative difficile. Une alternative serait d’adapter la convention collective de l’édition phonographique ou de l’édition du livre pour inclure la production de podcasts.
Enfin, les relations avec les organismes de gestion collective (OGC) restent un point de friction, notamment en ce qui concerne la gestion des droits d’auteur et la perception des redevances. Le rapport recommande l’ouverture de négociations interprofessionnelles pour fixer des règles adaptées au secteur du podcast. Il souligne également l’importance de mettre en place des mécanismes de contrôle et de transparence afin de garantir que les auteurs et interprètes bénéficient pleinement des revenus générés par l’exploitation de leurs créations.
Le vide juridique persistant de la diffusion sur les plateformes
La diffusion des podcasts via les plateformes de streaming repose sur des flux RSS, ce qui soulève la question de l’application du droit de communication au public. Selon la jurisprudence Svensson de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le simple fait de lier un contenu déjà disponible publiquement ne constitue pas une violation du droit d’auteur. Les plateformes utilisent cet argument pour refuser de verser une rémunération aux producteurs de podcasts.
Toutefois, le rapport souligne que cette jurisprudence n’a pas été conçue pour s’appliquer aux podcasts et que les flux RSS contiennent plus que de simples liens hypertextes. De ce fait, il recommande une clarification par le législateur européen ou la CJUE afin de déterminer si la mise à disposition d’un podcast sur une plateforme constitue un acte de communication au public nécessitant une autorisation.
Les tensions entre producteurs et plateformes sont exacerbées par l’absence de cadre juridique spécifique régissant les relations contractuelles dans ce domaine. Une régulation plus stricte des pratiques contractuelles pourrait permettre de rééquilibrer les relations et de garantir une meilleure rémunération des ayants droit.
Sécuriser le modèle économique
Plutôt que d’introduire de nouvelles règles dans le CPI, le rapport du CSPLA préconise de mobiliser les outils juridiques existants et de structurer le secteur par la négociation collective. Parmi les recommandations clés :
Adopter une nomenclature professionnelle unifiée pour clarifier les statuts des différents acteurs. Renforcer les accords collectifs pour améliorer la rémunération des auteurs et artistes-interprètes. Faciliter les relations entre producteurs et organismes de gestion collective pour une meilleure répartition des droits. Clarifier le statut juridique des flux RSS afin de sécuriser la rémunération des ayants droit vis-à-vis des plateformes. Encourager la mise en place de mécanismes de transparence dans la gestion des revenus liés à l’exploitation des podcasts.
La sécurisation du modèle économique du podcast ne passera donc pas nécessairement par une réforme législative, mais par une meilleure structuration du secteur à travers des accords professionnels, une application rigoureuse du droit existant et une transparence accrue des flux financiers.