Dans son intention profonde, l’épuration manifeste sa volonté de revenir vers le pur, de laver ce qui a été souillé. C’est bien ce qui se passe à la Libération avec la mise en place de cette justice de transition destinée à rétablir la République dans ses droits et de punir ceux qui ont travaillé avec l’occupant allemand. Sur cette période, déjà fort bien documentée même s’il subsiste quelques zones d’ombre autour de l’épuration économique, François Rouquet (université de Caen-Normandie) et Fabrice Virgili (CNRS) se proposent de faire le point dans ce poche inédit. Cette synthèse de trente années de recherches aborde toutes les thématiques de l’épuration - y compris dans d’autres pays européens comme l’Autriche ou la Pologne - en observant le phénomène d’en bas, à travers le vécu des Françaises et des Français ainsi que l’indique le titre. Les cartes montrent que l’épuration fut plus forte dans les régions résistantes, celles qui ont connu la répression la plus intense. Mais surtout, cette histoire raconte comment ce fait est devenu un "événement-mémoire" faisant écran à la guerre elle-même. La politique de l’Etat qui n’a pas facilité la tâche des historiens en n’ouvrant les archives qu’au compte-gouttes n’a fait que renforcer le fantasme à la fois sur l’ampleur de la collaboration et sur les dérapages de l’épuration. On a bien vu le poids qu’exerce encore cette période sur les esprits à travers les récits d’Alexandre Jardin, de Gérard Garouste ou de Pascal Bruckner. En lisant cette somme, on comprend pourquoi. L. L.