Tandis que le versant français de l’affaire Google suit son bonhomme de chemin devant la Cour d’appel de Paris, la justice américaine, qui devait statuer le 9 août dernier, ne semble pas pressée. Le juge Denny Chin avait pourtant indiqué pouvoir se prononcer à cette date à propos de la transaction proposée par Google au milieu du livre dans le but d’arrêter le contentieux en cours. Las, le juge Chin n’exerce pas au même rythme que le juge Ti quand celui-ci est déterminé à résoudre une affaire sous la plume de   Robert Van Gulik. Il est vrai que le contexte est particulier. Le 9 août correspondait en effet à un troisième délai accordé aux parties dans ce procès au long cours, afin d’y trouver une solution amiable. Le même magistrat paraît partisan des rapprochements à tout prix, car il a accordé, en juillet, un autre troisième délai dans une affaire connexe opposant Google aux artistes plastiques. Sans compter que Denny Chin semble préoccupé par de futurs dossiers : il a été récemment promu à la Seconde Cour d’appel, et ce après avoir tout juste entendu les derniers débats dans l’affaire Google versus l’édition nord-américaine. Ce qui, dans l’attente, a conduit Publisher’s Weekly à se lancer dans un concours de pronostics, invoquant, pour se justifier, la popularité de... Paul le Poulpe (dont la bio – forcément non autorisée - sera peut-être mise aux enchères à Francfort cet automne et disponible simultanément sur i-pad). Des personnalités ont donc été conviées à jouer les oracles. La question posée est simple : Le juge Chin va-t-il ou non valider l’accord proposé par Google dans une version à présent largement remaniée ? Seul un tiers des pronostiqueurs penchent pour le rejet de l’accord. En tout, ce sont trois profs de droit enseignant dans des facs prestigieuses (Georgetown, New York Law School et Howard), un procureur, un cadre du U.S. Copyright Office ainsi qu’un membre du Center for American Progress qui ont fait tourner les tables à l’aide d’arguments plus ou moins convaincants. Premier élément en faveur d’une pacification : nulle autre partie n’a osé engager un bras de fer judiciaire contre Google sur les mêmes fondements que les éditeurs. Or, si les requins de la Class Action ne tournent plus autour du moteur de recherche, c’est que la prise ne serait plus aussi alléchante en raison de l’homologation imminente de l’accord sur le versement de droits d’auteur. Un procès de plus ne permettrait que de les miettes d’un gâteau d’indemnités de moins en moins appétissant au fur et à mesure que le temps s’écoule et que la concurrence de Google se muscle. D’autres exégètes penchent pour la fin du conflit car le juge Chin doit aujourd’hui marquer sa carrière fédérale d’une empreinte jurisprudentielle durable ! D’autant plus que cette décision de justice viendrait homologuer une paix que le Congrès lui-même a échoué à obtenir. Certains commentateurs qui parient sur la ratification de l’accord sont moins convaincants lorsqu’ils s’appuient sur une supposée marche indispensable vers la démocratisation de l’information… Du côté des pessimistes, persuadés que la guérilla judiciaire va se poursuivre, nos experts estiment qu’un troisième round est encore nécessaire, tout en admettant que, quel que soit le jugement à intervenir, celui-ci va profondément redessiner le paysage éditorial. Une autre idée circule selon laquelle le juge Chin ne va pas entériner l’accord en l’état, mais esquisser dans sa décision une ligne de conduite à tenir pour arriver à une transaction satisfaisante. Bref, on l’aura compris, nul ne sait ce que le juge Chin va décider. Les paris en ligne sont depuis peu autorisés dans la vieille Europe. Aux Etats-Unis, ceux sur l’avenir des rapports entre numérique et édition sont toujours aussi hasardeux.
15.10 2013

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