« A partir de combien est-on riche ? », « Qui sont les ultra-riches ? », « Avez-vous l’étoffe d’un bourgeois ? »… Experte en BD pédago-humoristique avec son blog scientifique Tu mourras moins bête et les deux livres qu’elle en a tirés, Marion Montaigne propose en une dizaine de thèmes une synthèse originale des travaux menés depuis trente ans par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot. La jeune auteure - elle est née en 1980 - a lu à cette fin tous les livres des deux sociologues qui, après Le président des riches, viennent de publier La violence des riches, chronique d’une immense casse sociale (La Découverte). Elle les a aussi accompagnés «sur le terrain», dans une bijouterie de la place Vendôme, pour produire un livre à la fois scientifique, pédagogique et humoristique sur la très grande bourgeoisie, l’argent et le processus de reproduction des élites.
Marion Montaigne prend pour cela le parti de mettre en scène, avec une distance amusée, les deux sociologues en action. A la manière d’un Pierre Bourdieu, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot pratiquent la sociologie comme « un sport de combat ». Ils ont conduit des interviews à Neuilly, assisté à des manifestations anti-HLM dans le XVIe arrondissement de Paris et à des chasses à courre, passé Noël à Gstaad et l’été à Deauville. La dessinatrice les imagine interpellant dans une librairie un certain Philippe Brocolis pour savoir si cela lui plairait d’être riche. Ils s’incrustent ensuite dans la famille du susnommé pour raconter les riches, leurs mœurs et leurs travers, entre récit didactique et expériences pratiques.
Transformant leur discours en images, Marion Montaigne multiplie les anecdotes et les mises en situation désopilantes. Il faut voir le jeune Ernest-Antoine Seillière, futur président du Medef, faire des canulars téléphoniques (« Allo ? Eugénie de Maupoisson ? Je crois qu’il y a de la friture sur la ligne »), et savoir que « dans le papier à rouler OCB, le “B” signifie “Bolloré”. C’est un peu lui que vous léchez quand vous en roulez une », pour comprendre le monde de l’ultra-richesse.
Fabrice PIault