1er février > Roman Etats-Unis > Alexander Maksik

Dans le contexte où paraît la traduction du troisième roman d’Alexander Maksik après Indigne (Rivages, 2013) et le très remarqué La mesure de la dérive (Belfond, 2014, 10/18, 2015), on serait tenté de mettre en avant l’un de ses grands thèmes : les violences conjugales. Mais on peut dire que L’oiseau, le goudron et l’extase est un roman sur la maladie mentale. Et aussi bien une romance passionnelle qui court sur plus de vingt ans. Celui qui la raconte, Joe March, vit seul dans la maison en bois isolée qu’il a construite avec sa compagne Tess dans une clairière au milieu de la forêt, dans un coin rural de l’Etat de Washington. Deux mois plus tôt, "l’amour de [sa] vie" l’a quitté du jour au lendemain. Et sans nouvelle depuis, il attend son retour. Leur histoire, débutée dans l’Oregon à l’été 1991, a été dès le départ marquée du sceau de la tragédie : la mère de Joe, infirmière à Seattle, a tué de sept coups de marteau un inconnu qui maltraitait sa femme et ses enfants sur un parking. Un drame qui a fait exploser la famille, la sœur aînée coupant les ponts, le père, menuisier, déménageant dans la petite ville où était incarcérée sa femme. En prison, celle-ci est devenue une figure de justicière qui inspire à Tess, fille rebelle et idéaliste, un plan pour punir un voisin abuseur. Mais on ne va pas vous dévoiler comment les choses ont tourné…

Prenant régulièrement le lecteur à témoin, Joe essaie de "trouver un ordre à tout ça" dans un aller-retour entre présent et passé, mais le chemin est chaotique car cet homme amoureux, instable et à fleur de peau, est atteint depuis ses 20 ans de troubles bipolaires, doté de "filtres défectueux", préfère-t-il dire. "Il y a bien un mot qu’ils utilisent, mais ce mot est extrêmement faible et je le hais/je ne suis pas en train de parler de tristesse/Je ne suis pas déprimé/Je veux parler du corps. Je veux parler d’invasion, de possession. De quelque chose de physique." Un "oiseau bleu noir" dont les serres perforent les poumons, un "épais goudron" qui se répand à l’intérieur du corps et "l’extase", mélange d’euphorie soudaine et de sentiment de puissance : les trois images récurrentes traversent cette histoire d’amour et de folie, à l’élan à la fois heurté et habité. Véronique Rossignol

Les dernières
actualités