22 SEPTEMBRE - 20 OCTOBRE - HISTOIRE LITTÉRAIRE France

En 1921 déjà, alors que l'écrivain moribond - il disparaîtra l'année suivante - s'exténuait à lutter contre le fatum pour mettre un point final à sa Recherche, en vain, l'idée d'un Dictionnaire Proust avait été évoquée avec son éditeur, Gallimard. Comme si, chez les premiers critiques, enthousiastes - depuis son prix Goncourt en 1919 pour A l'ombre des jeunes filles en fleurs, Proust était célèbre -, on avait décelé la nécessité, étant donné la vastitude, la phénoménale complexité de l'entreprise romanesque proustienne, sa structure en roman-fleuve "amazonien", de fabriquer des outils de décryptage. Comme des explorateurs, découvrant un nouveau continent ou une planète inconnue, y fraient un chemin pour leurs successeurs.

Proust devenu, depuis, l'écrivain le plus célébré du siècle dernier et la référence en matière de modernité et de théorie littéraires, d'autres - universitaires, biographes ou essayistes - revisitent régulièrement son univers.

Ainsi le proustologue Michel Erman, auteur de plusieurs livres sur son auteur fétiche, dont un premier Bottin proustien où il recensait tous les personnages, réels ou fictifs, en action ou simplement mentionnés dans la Recherche. Michel Erman poursuit son exploration avec ce Bottin des lieux proustiens. Après avoir montré que, chez l'écrivain, le lieu est "un espace identitaire", il divise les territoires romanesques proustiens en quatre "côtés" : Combray, Paris, Balbec et Venise. C'est érudit, exhaustif, lumineux.

Pierre Assouline, lui, déjà auteur d'un Auto-dictionnaire Simenon, applique aujourd'hui la même méthode à Proust. Puisant dans la Recherche, mais aussi dans l'autre chef-d'oeuvre proustien, sa monumentale Correspondance, le journaliste-écrivain a réalisé un volume de "morceaux choisis", comme on disait autrefois. Courts ou plus longs, sur des sujets fondamentaux ou anecdotiques. Mais on sait que chez Proust, grand amateur d'anecdotes, celles-ci ne sont jamais gratuites. Au fil des pages, on voit par exemple l'écrivain plaisanter - à moitié, on est en 1920 -, sur sa candidature à l'Académie française : "Il est probable que la mort la plus prochaine sera la mienne et non celle d'un académicien » ; définir Flaubert comme "un génie grammatical », ce qui n'était certes pas son cas à lui ; ou encore rectifier, justement à propos de sa propre écriture : "Mon instrument de travail préféré, le télescope plutôt que le microscope. » Ce "Proust dans son jus », comme dit Assouline, est passionnant, vivant. Et drôle : la critique contemporaine a trop tendance, encensant l'écrivain, à négliger son incomparable "vis comica", volontiers moqueuse et souvent vis-à-vis de lui-même.

Ces travaux de Romains ont bien sûr pour but avoué de nous donner envie de (re)lire A la recherche du temps perdu. Ce qui est maintenant possible dans différents formats : les quatre volumes de l'édition critique dans la "Pléiade" ; ou bien, si on souhaite le texte seul, l'édition compacte, en un beau pavé de 2 400 pages, chez "Quarto" - les deux publiés chez Gallimard et sous la direction de Jean-Yves Tadié. A quoi s'ajoutera en octobre, chez Omnibus, une édition en deux volumes de 1 500 pages chacun environ.

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