Édito par Christine Ferrand, rédactrice en chef

Photo PHOTO OLIVIER DION

Depuis une semaine, le livre est à la fête. Les ouvrages primés, variés et de qualité, vont forcément ouvrir l’appétit des lecteurs les plus rétifs. Le Nobel a déjà eu cet impact, comme en témoigne l’avalanche de livres de Patrick Modiano dans notre liste des meilleures ventes en poche. Fleur Pellerin elle-même aura du mal à résister, malgré son emploi du temps, à des propositions aussi séduisantes. De quoi rassurer ceux qui constatent un recul de la lecture comme valeur culturelle de référence.

Si l’aveu tranquille de la ministre de la Culture de ne pas avoir lu de livres depuis deux ans a créé une forte émotion chez les professionnels, c’est qu’il met en évidence, comme le relève Claude Poissenot dans son blog sur Livreshebdo.fr, une absence décomplexée de relation au livre. Pour le sociologue, spécialiste de la lecture publique, il s’agit d’"un acte iconoclaste"."Fleur Pellerin est la première ministre de la Culture à reconnaître un rapport distant avec les pratiques culturelles légitimes, analyse-t-il. La sécularisation de la culture est assumée par celle-là même qui occupe une position majeure dans l’institution. Par analogie, c’est comme si le pape François révélait une relation conjugale."

On n’est pas obligé de partager sa métaphore, mais si ceux qui sont précisément là pour les défendre revendiquent la marginalisation du livre et de la lecture dans leur propre pratique, on peut craindre un avenir bien sombre, avec une population de lecteurs réduite à un cercle d’aficionados de plus en plus étroit.

Heureusement, Neil Gaiman relève le gant. Dans un petit opuscule traduit en français et largement diffusé par Au Diable vauvert, son éditeur français (à lire sur Livreshebdo.fr), l’auteur de L’océan au bout du chemin rappelle avec une énergie bienvenue l’importance de la lecture et le rôle des bibliothèques. L’écrivain britannique souligne cette vérité essentielle : "La fiction développe l’empathie [qui nous permet] de fonctionner comme plus que de simples individus préoccupés d’eux-mêmes", avant d’énoncer quelques "obligations" que la ministre devrait faire siennes, notamment : "Lire par plaisir, en tous lieux, publics et privés."

07.11 2014

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