Essai/France 9 octobre Evelyne Lever

Souvent analysée, la Terreur est rarement racontée. Aux grands débats sur l'explication de l'épisode dans la Révolution française, Evelyne Lever a préféré le récit. Cette historienne de l'Ancien Régime, biographe de Marie-Antoinette, a voulu comprendre comment les Parisiens avaient vécu cet événement et quel était leur quotidien au cœur de cette « fureur toujours recommencée ». Pour répondre à ces interrogations, elle a choisi de dérouler au plus près des gens la frise révolutionnaire qui passe par la chute de la monarchie, l'exécution du roi, jusqu'à l'instauration d'une dictature - le mot est prononcé par des membres du Comité de salut public le 29 juin (11 messidor) 1794 -, et l'installation de la Terreur comme mode de gouvernement.

Avec la qualité d'écriture qu'on lui connaît, l'auteur s'appuie sur les archives, les Mémoires et sur deux témoins d'époque qui lui servent de fil rouge : Rosalie Jullien, épouse d'un député de la Drôme très assidue aux séances de l'Assemblée qui adhère sans réserve à ces dérives révolutionnaires, et le libraire Nicolas Ruault qui les fustige au point de s'engager, lors des massacres de Septembre, pour libérer un détenu de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés transformée en prison politique. « J'ai passé, les pieds dans le sang humain, à travers les tueurs, les assommeurs, pour délivrer un de ces malheureux prisonniers qui aurait été massacré le lundi 3, si je n'eusse vite couru le réclamer. »

A travers ces scènes quelquefois éprouvantes de carnage, Evelyne Lever montre ce que François Furet qualifiait d'« obsession punitive ». Par les radicaux et les sans-culottes, cette obsession est justifiée par un complot royaliste qui fomenterait une guerre pour faire rendre gorge aux patriotes. Ce n'est pas Paris brûle-t-il ? mais pour qui brûle-t-il ? On saisit la violence à l'œuvre durant ces années convulsives qui ne furent pas uniformes jusqu'à la mort de Robespierre. L'auteur décrit les quartiers révolutionnaires, les comités de section, les ambiances et aussi la vie culturelle qui continue dans cette atmosphère où la peur de la faim légitime la mort. Le pain et la guillotine semblent aller de concert comme si la seconde devait garantir le premier.

Le sang apparaît comme l'élément rédempteur, la seule manière de racheter les fautes du passé, en châtiant les coupables par le rasoir national. Mais la violence de l'Ancien Régime semble à son tour resurgir dans la dictature sanglante de l'An II.

Avec ce livre énergique, Evelyne Lever achève ce qu'elle avait commencé avec Le temps des illusions (Fayard, 2012) puis Le Crépuscule des rois (Fayard, 2013), une chronique de la France de 1715 à 1789. Elle montre aussi ce que Marx avait saisi : les conséquences terribles de la pureté dans le volontarisme politique.

Evelyne Lever
Paris sous la Terreur
Fayard
Tirage: 4 500 ex.
Prix: 23 euros ; 334 p.
ISBN: 9782213699219

Les dernières
actualités