Le messager, premier volume d’un triptyque autobiographique signé Charles Stevenson Wright (1932-2008), est dédié à la mémoire de Billie Holiday et de Richard Wright. Paru aux Etats-Unis en 1963 chez Farrar, Straus & Giroux et traduit alors une première fois chez Stock, le volume renaît aujourd’hui grâce au Tripode.
L’action se déroule à l’aube des années 1960. Charlie, 29 ans, a quitté son Missouri natal pour venir s’installer à New York. Il loge dans la 49e Rue, sorte de « songe d’une nuit de printemps » entre la 6e et la 7e Avenue. Dans une chambre avec vue, payée cinq dollars la semaine, en haut d’un vieil immeuble de Manhattan.
Le héros de Charles Stevenson Wright travaille dans une entreprise de messagerie du Rockefeller Center. Pour neuf dollars et vingt-cinq cents par jour, il effectue des livraisons à travers la ville, ce qui lui permet de rencontrer toutes sortes de gens. Autour de lui, ses collègues sont irlandais ou portoricains, ses voisins des gitans, des travestis ou des prostituées. Nomade mélancolique qui aime à déambuler, Charlie n’est jamais soûl et dit que l’alcool « sert d’armature à [s]a colonne vertébrale, de lubrifiant à [s]es réflexes ». Sa relation avec Shirley, qui rêve d’épouser un médecin et l’emmène à Coney Island, bat de l’aile. Beau gosse à la peau foncée, Charlie possède un corps grâce auquel il n’a aucune difficulté pour trouver un client, mâle ou femelle, quand il se décide à faire une passe. A arpenter les rues en tee-shirt et jeans étroits et délavés…
Salué à sa parution par James Baldwin, Le messager frappe par son absence d’effet, sa sincérité et sa musique bluesy. Il nous tarde que Le Tripode remette en lumière la suite du travail de Wright, qui finit dans l’alcool et la misère, et fasse traduire ses deux autres livres, The wig (1966) et Absolutely nothing to get alarmed about (1973), pour les lecteurs français.
Al. F.