On dirait le Sud. C’est un endroit qui ressemble à la Lousiane, à l’Italie… Sur la carte, le décor a l’air hospitalier. Fausse promesse du paysage. Si Olivier Adam a quitté les rivages tempétueux du nord-ouest de la France et les falaises du Japon, la Côte d’Azur hors saison, théâtre de Peine perdue, n’est pas une Riviera de bougainvilliers et de lauriers-roses. Mais un Var de camping et de restaurant de plage désertés qui ressemble plutôt à une Californie du pauvre. Le soleil ne réchauffe rien. Même la placide Méditerranée peut se révéler violente sous l’effet d’un dramatique coup de vent.

Entre Short cuts et La misère du monde (Carver et Bourdieu, deux idoles avouées de l’auteur), Olivier Adam chorégraphie un roman noir en forme de danse de groupe qui isole et lie les solos de 21 personnages autour d’Antoine qui ouvre et ferme le récit. "Inflammable" et plein de nuit, sanguin dépressif, c’est une figure virile familière des livres d’Olivier Adam, de ces hommes en qui souffrent encore le petit garçon blessé, l’adolescent dont il ne reste de la sève vitale qu’une colère chaotique, à la fois compagnon délaissé, père frustré, frère manquant, ami faillible : une famille d’hommes sur le banc de touche, mis hors jeu. Antoine, la trentaine passée, ancien mécanicien viré par son patron, quitté par la mère de son fils, contraint de repeindre des caravanes dans le camping du louche Perez, est en mauvaise posture. Alors que l’équipe de foot amateur locale s’apprête à jouer à Nantes la demi-finale de la Coupe de France, cet ancien espoir vient d’être privé de match pour avoir cassé le nez d’un adversaire. A son tour agressé, le voilà à l’hôpital, dans le coma, salement amoché. Par qui ? Pourquoi ? C’est l’un des fils possibles, celui du polar, même si ce qui occupe le romancier est, ici encore, de mettre dans la lumière, dans une double dimension psychologique et sociologique, ces relégués de la grande compétition, pour qui les choses sont "irrattrapables". Et quant à ceux qui semblent s’en être mieux tirés (Laure, l’interne de l’hôpital, Anouck, l’écrivaine retirée, Eric le coach, le vieux couple de retraités…), ils sont eux aussi lestés de peines sans remise, impossibles à mutualiser.

Pour tresser ces liens sur fond de solitude, de défaites aussi sociales que sentimentales, Olivier Adam a fragmenté son récit, renouant en partie avec la forme de son premier, unique et mémorable recueil de nouvelles, Passer l’hiver. C’est écrit plus à l’os, plus compact, plus percutant. Et l’empathie inaltérée de l’écrivain pour ses personnages, qui explique la ferveur fidèle de ses nombreux lecteurs, devrait une nouvelle fois toucher au cœur. Véronique Rossignol

Peine perdue, Olivier Adam, Flammarion, 416 p., 21,50 euros, ISBN : 978-2-08-131421-4, parution le 20 août.

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