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Sa petite entreprise ne connaît pas la crise et, à 51 ans, Hector Obalk atteint son acmé. Révélé en 1999 par Thierry Ardisson, qui en avait fait son chroniqueur dans "Rive droite, rive gauche", critique d'art à Elle depuis 2001, producteur de la série "Grand'Art" sur Arte - la saison 1, sept épisodes, est déjà parue en DVD, la saison 2 est en préparation -, il a maintenant aussi sa rubrique dans "Avant-premières" d'Elisabeth Tchoungui, sur France 2.

"Quelle que soit la chaîne, dit-il, je fais la même chose ! » Et cette "chose » consiste tout simplement à "faire aimer les oeuvres d'art au plus grand nombre, en faisant appel à la sensibilité, pas à la connaissance. Sans démagogie mais avec pédagogie, afin que les gens puissent se former un jugement personnel sur les tableaux que je leur montre et dont je traite comme personne ne l'a jamais fait auparavant". Qu'on ne voie là aucune prétention : Obalk, qui se définit comme un "obsessionnel » est quelqu'un de direct, de spontané, habité par sa passion, très fier de pouvoir faire aujourd'hui ce dont il a toujours rêvé, et d'en vivre enfin confortablement. Même si, auteur-producteur, il explique "mettre tout son argent dans [ses] films, qui coûtent très cher à réaliser".

Ces jours-ci, il est encore plus heureux : son livre, Aimer voir, paraît chez Hazan. Un projet fou, qui rassemble la quintessence des 400 ou 500 chroniques qu'il a écrites pour la presse ou la télévision. Il les a complètement refondues, voire réécrites "dans un style un peu proustien", s'amuse-t-il, puis réparties en huit sections thématiques intitulées et expliquées : anatomie, physionomie, espace, lumière, texture, texture 2, temps et narration. Qui n'a jamais vu Victor Obalk décrire par exemple La leçon d'équitation, peinte par Velazquez vers 1636, avec inspiration, enthousiasme et minutie, n'a jamais regardé un tableau.

Dans ce livre comme dans ses émissions, Obalk revendique d'avoir "tout fait (presque) tout seul" : maquette, capture, choix et restitution des illustrations, textes en fonction de l'iconographie et direction graphique. C'est le typographe Pierre di Sciullo qui a créé pour l'occasion "le Minimum bichro de la couverture, le Minimum noir de la titraille et le Garamond du texte courant ». L'ouvrage est conçu, soigné, "entièrement fer à gauche". Encore une particularité ? "Vous avez vu, c'est le seul livre, quand les tableaux sont reproduits dans leur intégralité, à montrer aussi leur cadre, ce qui est fondamental à mes yeux."

A plein régime

A plusieurs titres, Obalk est un homme de l'art. "Je ne suis pas un artiste raté, mais un critique d'art par vocation. Et ça, je l'ai su dès l'âge de 13-14 ans." Hector, qui s'appelle alors Eric-Hector W., fils d'une linguiste célèbre, se fabrique un pseudonyme avec son deuxième prénom et un patronyme imaginaire - "c'est mon seul acte de révolte adolescente", commente-t-il -, puis fait le guide à la Pinacothèque de Munich. Ensuite, tout en poursuivant de solides études - maîtrise d'histoire de l'art à Paris-1 et une autre de philosophie analytique avec Jacques Bouveresse -, il "bricole » afin d'assurer la matérielle. Graphiste, il conçoit notamment des logos pour des entreprises. "Mais en indépendant : personne ne m'a jamais proposé de m'embaucher !" Et ça ne marche pas fort. Il sert aussi d'archiviste à de grands collectionneurs, écrit quelques préfaces de catalogues. Les vaches sont maigres, mais toutes ces expériences finiront par lui servir.

Et puis, en 1999, la chance se présente enfin : Thierry Ardisson l'invite dans "Rive droite, rive gauche". "La première émission, raconte Obalk, c'était le jour de Kippour. Bien que je ne sois pas pratiquant, j'ai hésité, puis j'y suis allé. Mais c'est avec ma deuxième chronique, consacrée à Chardin au Louvre et filmée de façon totalement amateur avec une petite caméra prêtée par Frédéric Taddéï, que j'ai été remarqué. Ensuite, tout s'est enchaîné."

Maintenant, après des années pour "comprendre et apprendre tous les métiers, toutes les techniques du cinéma », la machine Obalk tourne à plein régime. Et les projets parallèles abondent : publier les Ecrits de Duchamp, artiste et penseur qu'il admire, réaliser un album de ce qu'il appelle "pseudo-BD", une espèce de roman-photo dont un tableau est la vedette, avec des phrases de texte courant. Et puis aussi monter sur les planches : "Je vais faire un spectacle où je commente en direct un tableau, comme dans mes films." Hector a déjà rodé la formule, qui "fonctionne bien". On n'en doute pas. Ce garçon sensible et exigeant, attachant, a peut-être inventé sa propre forme d'expression artistique : passeur de goût.

Aimer voir, Hector Obalk, Hazan, 256 p., 29,90 euros, mise en vente le 4 novembre.

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