5 septembre > Roman Italie

Ascanio Celestini- Photo DR/NOIR SUR BLANC

L’écrivain quadragénaire Ascanio Celestini, qui est aussi cinéaste, acteur et dramaturge, est une figure de proue de cette spécialité italienne qu’est le théâtre de narration où se conjuguent invention poétique et dénonciation politique. Lutte des classes, publié dans la collection « Notabilia », est une parfaite illustration de ce « carnaval verbal » décrit dans un essai consacré à l’auteur italien paru en 2011 (1) : il juxtapose les monologues de quatre personnages, pauvres hères dont les vies ballottées et démunies se croisent dans un immeuble de la banlieue de Rome où tout se déglingue. Il y a Salvatore, l’ado sans père ni mère, et son grand frère Nicola qui habitent avec leur oncle grabataire après la faillite de l’élevage de poulets familial ; Marinella, la fille au bec de lièvre ; et Mademoiselle Patrizia qui fait « dix boulots » et finira par ouvrir le gaz. Autour d’eux tout, un petit peuple d’autres obscurs maltraités, de solitudes qui composent « la faune indigène de l’immeuble ».

Leur voix est pratiquement tout ce qu’ils possèdent pour se défendre de l’injustice du monde. Celle que réinvente pour eux Celestini est forte en goût et en couleur, en couvante exaspération et constats amers. « Nous sommes tous libres de changer de boulot du moment que nous sommes disposés à voir notre condition empirer. » On aime tout particulièrement la langue grondante de Marinella, qui travaille dans un grand centre d’appels, la mine contemporaine du prolétariat occidental, et que sa disgrâce physique condamne à l’isolement dans une société de « barbies » où elle se sent comme « une chaussure dépareillée ». «Si Dieu existe, il est saoul ou il est distrait », pense-t-elle. Pourtant, pour ne pas désespérer de tout, vous verrez comment il suffit parfois de quelques larves pour la pêche pour enrayer une machine infernale. V. R

(1) Le « carnaval verbal » d’Ascanio Celestini, Beatrice Barbalato (dir.), PIE-Peter Lang.

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