Le romancier turc Orhan Pamuk, prix Nobel 2006 de littérature, a annulé un voyage prévu à partir de vendredi en Allemagne, a indiqué mercredi son éditeur allemand Hanser, sans donner la raison de cette décision. Le voyage de M. Pamuk a été reporté à une date indéterminée, a indiqué le service de presse de l'éditeur munichois, refusant de confirmer une information du quotidien Kölner Stadt Anzeiger de mercredi selon laquelle le voyage du romancier a été annulé pour des raisons de sécurité.
Un porte-parole du ministère de l'Intérieur a indiqué lors d'un point-presse qu'il ne disposait pour l'heure d'aucun élément concret provenant de ses services sur une éventuelle menace pesant contre l'écrivain turc en Allemagne. Ohran Pamuk devait être fait docteur honoris causa par l'Université libre de Berlin vendredi, avant de lire des extraits de ses oeuvres dans la capitale allemande puis à Hambourg (nord), Cologne (ouest), Stuttgart (sud-ouest) et Munich (sud).
Le romancier a été menacé de mort récemment par l'un des suspects dans le meurtre du journaliste turc d'origine arménienne Hrant Dink. Yasin Hayal, 26 ans, qui aurait fourni l'arme du crime au meurtrier du journaliste, avait lancé « Orhan Pamuk doit prendre garde » le 24 janvier à son entrée dans un tribunal. Selon des sources sécuritaires citées par le journal allemand, la menace concernerait tous les déplacements de l'auteur de Neige et du Livre Noir, cible des milieux nationalistes turcs pour ses prises de positions sur le conflit kurde et la question arménienne. Il a été poursuivi pour « dénigrement de l'identité nationale turque » après avoir affirmé dans un magazine suisse en février 2005 : « Un million d'Arméniens et 30.000 Kurdes ont été tués sur ces terres, mais personne d'autre que moi n'ose le dire ». Les poursuites ont été abandonnées début 2006.
Hrant Dink, qui a toujours défendu sa nationalité turque, s'était attiré les foudres des cercles nationalistes pour avoir dénoncé le génocide arménien de 1915-1917 que la Turquie nie catégoriquement. Il a été tué le 19 janvier devant le siège de son journal bilingue Agos.
Photo : Jacques Sassier/Gallimard